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Fiasco ?

JO de Paris 2024 : le triathlon, un pari qui tombe à l’eau ?

JO Paris 2024dossier
Face à l’incertitude sur la tenue de l’épreuve mercredi matin, en raison de la qualité de l’eau de la Seine, et alors que les organisateurs se retrouvent bientôt dos au mur, la frustration s’installe chez les triathlètes.
La tour Eiffel et le pont Alexandre-III, qui se trouve sur le parcours du triathlon, mardi 30 juillet. (Fabrizio Bensch/REUTERS)
publié le 30 juillet 2024 à 19h19

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Beaucoup de réveils auront retenti vers 3 heures du matin ce mercredi 31 juillet, si ce n’est plus tôt. Ceux des organisateurs de Paris 2024, pour sûr. Ceux de quelques pontes du CIO, aussi. Celui de la patronne de World Triathlon, Marisol Casado, évidemment. A moins que tout ce petit monde n’ait pu trouver le sommeil : l’incertitude autour de la tenue des épreuves de triathlon n’a jamais été aussi palpable. Qu’importe, à 3h30 du matin, une décision lourde de sens aura été prise : maintenir ou non les courses femmes et hommes programmées une poignée d’heures plus tard, 8 heures pour les femmes, 10h45 pour les hommes.

Mardi matin, les organisateurs ont grillé un premier joker en annulant l’échéance masculine. Entre autres causes, le niveau jugé trop élevé de bactéries Escherichia coli et d’entérocoques, provenant des matières fécales humaines, qui peuvent provoquer des problèmes gastriques si on boit la tasse. Les trombes d’eau tombées vendredi et samedi sur Paris ont dégradé la qualité de la Seine, dont les dernières analyses montraient des «valeurs relevées à certains endroits du parcours de natation […] encore supérieures aux limites acceptables», annonçaient World Triathlon et le Cojo, le comité d’organisation.

Rêves d’olympiade sans anicroches anéantis

En cas de nouvelle annulation ce mercredi, il ne resterait qu’une fenêtre de la dernière chance : vendredi 2 août, ultime jour de «contingence» prévu dans le calendrier officiel. Après, plus possible de reporter, compte tenu des contraintes organisationnelles et sécuritaires nécessaires aux autres sports programmés en fin de semaine, notamment le cyclisme sur route, des bords de Seine à la butte Montmartre. Une telle perspective conduirait ce même petit monde d’officiels à annoncer aux athlètes qu’ils devront courir un duathlon : le vélo et la course à pied, amputés de la nage. Et quand bien même ces épreuves se tiendraient, les regards resteront tournés vers les bulletins météo en vue de l’épreuve du relais mixte qui pourrait être décalée du 5 au 6 août pour des soucis de récupération. Sans vraie marge de manœuvre derrière en cas de ciel capricieux.

On n’en est pas encore là. Mais le fiasco serait incommensurable pour Paris 2024, qui verrait ses rêves d’olympiade sans anicroches anéantis. Pour l’Etat aussi, lequel perdrait un pari à 1,4 milliard d’euros, la somme qu’il a déboursée avec les collectivités franciliennes pour rendre baignable la Seine en vue des JO d’abord puis pour le grand public ensuite. La mairie de Paris a notamment fait construire, pour près de 100 millions d’euros, un gigantesque bassin de rétention capable d’engloutir jusqu’à 50 000 m³ d’eaux usées et pluviales en cas de fortes intempéries.

Quoi qu’il en soit, greffer la course des hommes à la suite de celle des femmes n’est déjà pas sans poser problème. Le format des courses est prévu pour qu’elles durent environ une heure et quarante-cinq minutes, d’où le coup d’envoi matinal. Ce mercredi, il fera bien plus chaud (autour de 35 °C) lorsque Léo Bergère, Pierre Le Corre, Dorian Coninx et leurs concurrents s’élanceront pour leur 10 km un peu avant midi. Et comment déloger les détenteurs de billets pour les dames et les remplacer par ceux venus assister au spectacle suivant en un laps de temps aussi restreint ? De gros hic mais qui, compte tenu du contexte qui tétanise Tony Estanguet, Amélie Oudéa-Castéra et compagnie, doivent être le cadet de leurs soucis.

«Petit sentiment de colère et surtout beaucoup de frustration»

Plutôt sereines jusqu’ici malgré l’annulation des deux sessions de «familiarisation» dimanche et lundi, les délégations se crispent. Le directeur technique national de la Fédération française de triathlon, Benjamin Maze, a évoqué un «petit sentiment de colère et surtout beaucoup de frustration», même s’il reste «plutôt optimiste».

Les organisateurs aussi, eux qui se réfugient derrière le principe de précaution : «La priorité est la santé des athlètes.» Ce n’est pas ce que pensent les concernés. Pas du tout : «Si la priorité est la santé des athlètes, cette épreuve aurait dû être déplacée à un autre endroit il y a longtemps déjà. On est juste des marionnettes», a fulminé sur Instagram le Belge Marten Van Riel, quatrième à Tokyo en 2021, sous la publication de World Triathlon. Un état d’esprit partagé par beaucoup. «Un duathlon n’est pas un triathlon et changer comme ça le jour [de la compétition] au milieu de la nuit, c’est un manque de respect pour des années de préparation des athlètes et pour tous les supporteurs, sur place ou à la télé», poursuit Van Riel. Qui alerte les instances : «Quelle image on donne du triathlon sur la plus grande scène du monde ?»