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Comment appeler le bruit des chaussures qui frottent sur les pistes d’escrime ? Des couinements, des crissements. Des cui-cui en fait. Aux premières minutes de la première journée des épreuves d’escrime, quand les spectateurs commençaient de garnir les gradins du Grand Palais, l’ambiance auditive évoquait une volière. D’ailleurs, une paire d’heures plus tard, un pigeon a traversé l’enceinte, s’attirant les bravo du public. A ce moment, on n’entendait plus seulement les cui-cui. Les 8 000 sièges étaient pleins – on se demande bien ce que peuvent voir les spectateurs des rangées du haut — et la verrière résonnait des cris d’un public en feu, dès qu’un bleu croisait le fer.
«Le Grand Palais, c’est sûr que c’est pas la salle d’escrime de Plovdiv [en Bulgarie, où ont eu lieu les championnats d’Europe en 2023, ndlr]», rigolaient les sabreurs lors des conférences de presse d’avant compétition. Et pas le même volume sonore. Les tireurs n’ont pas l’habitude d’un temple pareil. Si, dans la course aux gains marginaux, l’escrime a pu installer à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) exactement les mêmes pistes que celles sur lesquelles se déroulent les assauts olympiques, elle n’a pas pu reproduire l’ambiance. Elle a tenté de s’en approcher en diffusant à fond la caisse des applaudissements et encouragements enregistrés lors de ses entraînements.
«Il va falloir communiquer par signes»
Jeudi 25 juillet, l’équipe d’épée masculine est venue repérer les lieux. Si, prise dans les embouteillages, elle a mis 1 h 40 pour venir du village, ce n’est pas ce qu’a retenu le champion olympique en titre : «On y était pour le contrôle des armes et c’était vraiment magique. Il y a vraiment ce mélange d’art, de sport à haut niveau, d’histoire française. Et l’escrime, c’est de l’histoire française. C’est pour ça qu’on est dans un si beau monument je pense.»
Construit pour l’Exposition universelle de 1900, le bâtiment de pierre, verre et acier situé au pied des Champs-Elysées et à deux pas du pont Alexandre-III, dont l’histoire sportive se résume essentiellement à l’équitation, a déjà accueilli des compétitions d’escrime, les championnats du monde en 2010. Cécilia Berder, 34 ans, y a participé. «C’est toujours super d’évoluer devant des tribunes pleines. Ça transcende, s’est réjouie la sabreuse dans Ouest-France. Car la plupart du temps, on tire dans des salles où il y a très peu de public.»
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L’épéiste Yannick Borel avait assisté comme spectateur à ces Mondiaux, tout comme Manon Apithy-Brunet, aujourd’hui dans l’équipe de France de sabre. Les deux en gardent des souvenirs émus. «C’est beaucoup de pression mais aussi beaucoup de soutien, il faudra bien doser pour se laisser porter par la vague», anticipait le premier. «En théorie une piste c’est une piste, il y a un arbitre et un adversaire, mais, depuis ces Mondiaux, j’ai toujours rêvé d’y tirer», raconte la seconde. «Ici, même sans public, on n’entend rien. Il va falloir communiquer par signes», prévenait avant le début des compétitions son mari Boladé Apithy, également sabreur, harangueur de spectateurs et ambianceur en chef de la nef en cette première journée des épreuves. «Je me suis dit qu’il fallait profiter et m’appuyer sur le public. Franchement l’ambiance, c’est de la bombe. Je me sentais comme Kylian Mbappé dans un stade, j’ai kiffé», réagissait-il après sa victoire au premier tour.
«On sent la foule»
«C’est beau, le Grand Palais est incroyable. C’est certainement le plus bel endroit ou j’ai fait de l’escrime», s’extasie l’Argentin Pascual Maria di Tella. «Le lieu est impressionnant, les émotions sont incroyables. Tout est parfait, de qualité, complète sa victime du premier tour, le Canadien François Cauchon. Le travail qu’ils ont fait est absolument magnifique, on sent la foule, on est très proche du public.»
Battu en huitième de finale après un match homérique, le sabreur Sébastien Patrice tenait à remercier ces spectateurs qu’il avait électrisés. «Ce sont des chefs, je suis fier d’eux, ils méritent un big up.» Boladé Apithy, également sorti en huitième, plaisantait : «C’est une dinguerie. Je vais demander à la fédération d’organiser chaque année une compétition ici. Je suis dégoûté d’avoir perdu, mais je suis content d’avoir vécu ça. On te dit que tu vas tirer devant 8 000 personnes mais tu ne sais pas ce que c’est, 8 000 personnes.» Mercredi 31 juillet, il reviendra pour l’épreuve par équipes. Il a hâte : «On a pris nos marques, maintenant, ici, c’est chez nous.»