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JO de Paris 2024 : l’escrime française a du vague à lame

JO Paris 2024dossier
La victoire de l’épéiste Yannick Borel dans l’étape hongroise de Coupe du monde, dimanche 10 mars, intervient alors que les microséismes se multiplient au sein de la fédération d’un sport traditionnellement gros fournisseur de médailles.
Yannick Borel à Budapest, le 10 mars. (Jean-Baptiste Autissier/PRESSE SPORTS)
publié le 11 mars 2024 à 19h13
(mis à jour le 15 mars 2024 à 15h18)

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A quelques mois des JO, l’escrime française ne s’épargne aucun psychodrame. Après le contrôle antidopage de la fleurettiste Ysaora Thibus, championne du monde et chance de médaille – elle attend le résultat de la procédure disciplinaire et risque quatre ans de suspension –, l’équipe masculine d’épée y est allé de son épisode qui fait désordre. L’affaire couvait depuis un bail : le divorce entre les trois meilleurs tireurs, Yannick Borel, Romain Cannone et Alexandre Bardenet, et le manager général Hugues Obry. Situation tellement tendue qu’elle a d’abord conduit à une séparation de corps : les trois hommes ont quitté l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep, l’usine à champions du sport français) pour retourner s’entraîner dans leurs clubs respectifs. La déliquescence des relations entre le trio et Hugues Obry, contesté pour sa gestion des hommes, a conduit fin février à la démission de ce dernier, remplacé par son adjoint, Gauthier Grumier.

Yannick Borel en pole position pour les Jeux

En tant que nouvel adjoint de son ancien adjoint, Obry était présent à Budapest du 8 au 10 mars pour une étape de Coupe du monde-coupe à la grimace, très importante pour la qualification individuelle : le meilleur Français au classement sera automatiquement retenu pour l’épreuve individuelle à Paris – les deux autres «tickets» olympiques seront à la discrétion du comité de sélection de la Fédération française. Dans cette ambiance à épées tirées, le vétéran Yannick Borel, 35 ans, a pris une longueur d’avance sur la concurrence en s’imposant en Hongrie. Multimédaillé au niveau international depuis ses débuts, en 2009, champion olympique par équipes en 2016, du monde par équipes en 2011, 2017, 2019, 2022, il n’avait plus gagné depuis le dernier de ses quatre titres européens en 2022.

Dans l’Equipe, Borel n’est pas tombé dans l’euphorie de la victoire et n’a pas fait comme si tout allait bien dans l’épée française, l’une des armes les plus pourvoyeuses de médailles olympiques «Avec tout le contexte actuel, je suis très fier de cette victoire, s’est félicité celui qui prend la tête de la course interne à la qualification olympique. Je ne vais pas mentir, tout ça m’affecte, la semaine dernière était très compliquée. Mais le propre d’un athlète de haut niveau, c’est de s’adapter. Je me suis mis dans ma bulle. Je ne suis pas à l’aise avec cette histoire, ça prend beaucoup d’énergie. Et mon but est de ne pas en perdre trop pour pouvoir gagner comme je l’ai fait ici.»

La victoire de Borel à Budapest n’a pas apaisé la situation, au contraire. Vendredi 15 mars, l’Equipe a publié une interview de Romain Cannone, Yannick Borel et Alexandre Bardenet. Les trois frondeurs y font défiler les épisodes de leur rupture ex manager: « un engrenage infernal qui aboutit à une situation intenable ». Ils chargent la barque d’Obry à un point tel que c’est plus un porte-conteneurs qu’une barque. Jusqu’à cette phrase de Romain Cannone, champion olympique en titre: «On ne peut pas continuer comme ça avec Hugues [Obry, ndlr] dans le projet olympique et un directeur technique national acquis à sa cause.» Une menace de se retirer de la course à la qualification olympique?

Petites magouilles et notes de frais

Il y a deux après des mondiaux records avec 8 médailles (dont 4 titres), l’escrime française voyait la vie en or à l’horizon Paris 2024. A cinq mois des Jeux, on n’est pas loin de la gueule de bois. Avant même le choc Thibus et la crise à l’épée, la discipline a cumulé les bisbilles intestines. Départ de Lionel Plumenail, l’entraîneur de l’équipe féminine de fleuret, grosse bouderie de trois sabreurs qui désavouent leur entraîneur, championnats du monde décevants l’été dernier en Italie…

En septembre, le président de la fédération, Bruno Gares, celui-là même qui n’envisageait pas moins de dix médailles aux JO, démissionnait pour raisons personnelles, se disant épuisé. En janvier, 20 Minutes révélait que la grosse fatigue cachait peut-être des petites magouilles. Gares aurait eu la note de frais facile, même si les sommes concernées sont modestes, 10 000 euros qu’il aurait remboursés en partie. Il y a un peu le feu à la maison escrime. Retour de flamme espéré pendant les Jeux.

Mise à jour le 15 mars à 15 h 15 avec mention de l’interview de Borel, Cannone et Bardenet à l’Equipe

Calendrier

Les épreuves d'escrime des Jeux se dérouleront du 27 juillet au 4 août sous la nef du Grand Palais. L'épée individuelle est programmée le 28 juillet, cinq jours avant l'épreuve par équipes (2 août).