Menu
Libération
Le geste olympique 3/16

JO de Paris 2024 : l’interdiction des ramassements de jambes au judo, les combattants entre nostalgie et adaptation

JO Paris 2024dossier
A chaque discipline sa technique, essentielle, esthétique ou spectaculaire. Aujourd’hui, les prises aux jambes, interdites depuis 2010 parce qu’elles dévoyaient les techniques traditionnelles du judo. Elle seront particulièrement scrutées par les arbitres pendant la compétition.
Le judoka Choi Min-Ho (Corée du Sud) combat Roki Draksic (Slovénie) pendant les Championnats du Monde à Rio de Janeiro, le16 septembre 2007. (Almeida Vanderlei/AFP)
publié le 29 juillet 2024 à 12h02

Inscrivez-vous ici pour recevoir gratuitement tous les jours notre newsletter Libélympique.

Morote-gari, kata-guruma… Prononcez ces mots barbares devant un compétiteur de judo d’un certain âge, et guettez la petite larme au coin de l’œil. Sur les tatamis, il fut un temps où l’on pouvait gaiement s’emparer du pantalon de l’adversaire, le soulever à la verticale, le plaquer comme au rugby ou le contrer en l’attrapant par l’entrejambe. Epoque révolue, depuis 2010 : désormais, les ramassements de jambes, comme on les appelle, sont formellement interdits, toute main (ou même coude !) posée en dessous de la ceinture vaut pénalité.

«Aujourd’hui, tu peux perdre un combat là-dessus, même si c’est toi qui vient de projeter l’adversaire, si jamais tu as le malheur d’avoir la main cinq centimètres en dessous de la ceinture...», raconte Axel Clerget, champion olympique lors de l’épreuve par équipe mixte à Tokyo. On se souvient ainsi des larmes de Priscilla Gneto à Rio, disqualifiée pour avoir effleuré le tissu interdit.

Le changement de règle n’est pas neuf, mais reste controversé, nombre de puristes pleurant la disparition d’un pan entier du répertoire classique. «Ça reste un gros débat. Par exemple, kata-guruma, c’est dans le tronc commun que doit savoir toute ceinture noire, mais tu ne peux pas le faire en compétition, dit Clerget. L’objectif de la fédération était de lutter contre une tendance, venue des pays de l’Est, qui faisait que le judo ressemblait de plus en plus à la lutte libre, et risquait de disparaître du programme olympique.» Une défaite, notamment, avait traumatisé les suiveurs du circuit : lors des Mondiaux de Bakou (Azerbaïdjan), en 2009, la légende japonaise Tadahiro Nomura – seul triple champion olympique de la discipline – s’était fait sortir par Vugar Shirinli, alors obscur local avant de devenir champion paralympique à Tokyo, qui s’était jeté dans ses chevilles tout le combat, quasiment à quatre pattes, sans jamais prendre la garde. «L’interdiction des prises aux jambes a permis de redresser les postures, de revenir à des techniques plus tradis, où l’on tourne le dos, où l’on prend des risques, reprend Clerget. A un moment, on était tous le cul en arrière pour éviter de se faire choper le talon…» Quant aux combattants du Caucase, devinez quoi : ils se sont adaptés.