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Le public éructe de longs «Boooouuuuu» dès qu’un joueur danois bute sur celui que l’on peut qualifier sans trop exagérer de revenant. A 37 ans, Vincent Gérard et sa trombine lisse comme autrefois Fabien Barthez est de retour dans la cage de l’équipe de France de handball, championne olympique en titre, après un interlude de doutes et de traverses. Et son début de match, assez sauvage, sonne alors comme énième revanche pour cette antithèse du sportif Instagrammable, posant à Dubaï avec des mannequins brésiliens aux tenues élimées. En moins d’un an, l’honorable gardien des Bleus aura connu sa première expérience (quasi insignifiante en termes de matchs) à l’étranger, au THW Kiel, les blessures, puis un retour à Istres, en deuxième division. Une saison quasi blanche, drôle de prépa pour la compétition d’une vie. Le tout handball se demandait s’il avait encore le niveau, Gérard ? A priori oui.
Même si les stats finales ne sont pas aussi ronflantes qu’annoncées, Vincent Gérard aura été celui par qui le feu a pris rapidement à l’Arena sud de la Porte de Versailles. Les Bleus font un début de match de maboules, sûrement corrélé au shoot de sève que leur a transmis un public déchaîné. Était-ce d’ailleurs une partie de hand ou un karaoké géant, ambiançant chaque replacement avec «Les yeux d’Emilie» de Joe Dassin, «Free from desire» de Gala, ou le plus agaçant french cancan, décidément cuisiné à toutes les sauces. Sauf que passer le pic de glycémie, les Français, qui tiennent désormais sur la triade Mem-Remili-Fabregas, ont pris cher. Et se sont inclinés 29-37 contre l’ineffable rival danois. A bientôt en phase finale ?
Grands anciens
Vincent Gérard aussi a connu une courbe décliniste dans ce match, terminant à 7 /29, soit 24 % d’arrêts. Et ce malgré l’arrêt d’un pénalty de Mikkel Hansen, qui a remis un petit coup de fouet à la 50e. Ce qui n’est pas du tout déshonorant pour un mec qui se reconnecte au niveau mondial après, donc, une traversée des coulisses. Gérard a avancé avec ses armes : celle d’une teigne, accrochée à la jambe d’un adversaire plus grand que lui, mais suçotant ses enzymes.
Personnalité autodéclarée «clivante», Vincent Gérard fait aussi office de chien de troupeau dans un groupe à la physionomie évasée, entre les grands anciens engagés dans leur dernière danse et ceux maintenus à l’ombre. Altruiste à souhait, le gardien, qui a regardé derrière sa télé le sacre de ses coéquipiers à l’Euro en janvier, et la splendeur de son double suppléant en Bleu et à Kiel, Samir Bellahcene, préside d’ailleurs toujours l’association des joueurs et joueuses professionnelles de handball (AJPH), le syndicat des salariés. Ça lui vaut, entre autres, le nom de «syndicaliste du hand».
Il faut dire que par le passé, l’homme a affiché des partis pris saillants et rares dans le biotope aseptisé du sport. Sur X (ex-Twitter), Gérard, c’est le mec qui proclame du Victor Hugo en majesté : «Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons». Il se plaît également à dire, tel Ambroise Croizat, le fondateur de la Sécurité sociale : «Ne parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquis sociaux. Le patronat ne désarme jamais.» De quoi faire avaler son eau gazeuse de travers à un macroniste. Ces convictions, qui l’ont conduit jusqu’à afficher son faible pour l’ex-frondeur socialiste Benoît Hamon, lui jouent parfois quelques tours. Lorsque les Bleus gagnent, tout passe crème. Lorsqu’ils perdent, il y a du «sale communiste» dans ses messages privés.
«Une compétition, c’est long»
Cueilli en zone mixte après la défaite, Vincent Gérard s’est montré assez fermé. De son année écoulée, il évacue les tourments ainsi : «Il n’y a pas à cogiter. Je ne cogite pas plus ou pas moins que si j’avais fait une belle année. Les Danois nous ont énormément gênés avec leurs changements de défense lorsqu’ils sont passés en 3-3. Mais ce n’est pas notre première défaite dans des Jeux olympiques. Une compétition, c’est long.»
Et qu’a-t-il pensé, lui qui baigne dans un univers de profs, de la cérémonie d’ouverture de ces JO, pensée par son concepteur, Thomas Jolly, comme un uppercut d’inclusivité ? Il rit, soudain : «Oh, quand il n’y a pas de partis pris, ce n’est pas drôle.» Pour expier les Danois, en attendant les Norvégiens, lundi, Vincent Gérard plongera sûrement dans les bouquins. Il y a peu, il s’est avalé Pastorale américaine, de Philip Roth, et L’Insoutenable légèreté de l’être, de Milan Kundera. Tout un programme.