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Elle était en compétition non officielle. Marie-José Pérec a disputé les Jeux olympiques de Paris à sa manière. Elle voulait être celle qui allume la flamme. La dernière relayeuse. La Guadeloupéenne ne savait pas grand-chose au réveil. «Tout le monde me le demande dans la rue… mais je n’ai pas la réponse, disait-elle encore vendredi 26 juillet, le matin à la radio. Cela pourrait être quelque chose de fou. J’ai l’impression que je suis en compétition. Cela fait plusieurs jours que je ne dors pas. Mon téléphone est proche, je me dis qu’ils vont peut-être m’appeler la nuit.» Une victoire. Tony Estanguet a contacté les 20 derniers porteurs la semaine dernière pour obtenir leur accord. Il ne leur en a pas dit plus. Ils ne connaissaient ni la liste complète ni leur ordre de passage dans le jardin des Tuileries. Marie-José Pérec a allumé la flamme olympique à Paris en compagnie du judoka Teddy Riner. Elle était émue. Des larmes. Une renaissance au milieu de nuit parisienne pluvieuse.
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La championne avait disparu des radars. Elle a refait surface à l’approche des JO 2024, vingt ans après sa retraite sportive. Une «ambassadrice» souvent en représentation, comme cette semaine passée à bord du maxi-trimaran Banque populaire skippé par Armel Le Cléac’h pour transporter la flamme olympique dans les Antilles, en juin.
«Je me suis pris un mur, mais je me suis relevée»
En réalité, personne ne l’a oubliée. Elle est – avec la cycliste Félicia Ballanger qui faisait aussi partie des derniers relayeurs vendredi soir – la seule sportive française à être triple championne olympique. Et la seule en athlétisme. Ses victoires à Barcelone (1992) et Atlanta (1996) sont gravées dans les mémoires. Ses fracas aussi. Comme son départ des Jeux de Sydney, en 2000, pour échapper à la pression. «Je me suis pris un mur, mais je me suis relevée», dit-elle après toutes ces années.
Marie-José Pérec était «révoltée en mission». En mars, posée sur son canapé, elle était revenue en longueur sur son passé. Une confession à voix basse. Un mélange de douleur et de beauté. «Les gens ne savent pas ce que vit un sportif à l’approche des Jeux. Tous les jours, on se réveille avec des papillons dans l’estomac. C’est la première pensée et parfois ça nous réveille au milieu de la nuit, on sursaute, en pensant à l’entraînement, aux compétitions.» La championne olympique faisait des gestes avec les mains. Des grandes vagues. Elle ondule pour accompagner la description de ses foulées sur les pistes : «Je travaillais pour la performance mais aussi pour que ce soit beau. Je travaillais la foulée, le toucher au sol, le côté aérien, la fluidité, le fait de courir en allant chercher une boucle vers l’avant. Ça me plaisait de ressentir cela et de savoir que c’était beau tout en étant efficace. J’étais presque amoureuse de cette sensation.»
Imposer ses règles
Marie-José Pérec a eu des rapports tendus avec la presse tout au long de sa carrière. «On ne se comprenait pas. Il y avait du mépris et de la violence envers moi.» Elle a imposé ses règles, tenant les gratte-papiers à distance. Les temps changent. La triple championne olympique conte désormais sa gloire en eau calme. Les tempêtes sont dans le rétroviseur. Sa grand-mère, qui lui disait «de garder le menton haut et de ne pas baisser les yeux», occupe une place centrale dans son récit. Elle remonte toujours à son enfance à Basse-Terre, en Guadeloupe où Eléonore, alias «Mémère», lisait la presse de la première à la dernière page. Elle écoutait la radio aussi, le poste dans la cuisine était allumé du matin à la nuit pour ne rien rater des combats de Mohamed Ali, porte-parole de la cause noire et des opprimés. En allumant la flamme olympique, comme le champion de boxe à Atlanta en 1996, la triple médaillée en or ne devient pas la «petite Mohamed Ali» de sa grand-mère comme elle en rêvait, elle grave définitivement son propre nom.