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Assez plaisanté. Après une soirée de samedi 3 août où les têtes couronnées se sont laissé bousculer comme un rafiot dans le gros temps, l’athlétisme mondial a rangé son intérieur et remis chaque chose à sa place. Le sprint est resté une affaire américaine. Avec un Jamaïcain pour rompre la monotonie. Etats-Unis et Jamaïque. Un air de déjà-vu. L’impression pas désagréable de revivre l’époque où la discipline se résumait à un bras de fer entre Usain Bolt et Justin Gatlin.
Rien de très nouveau, donc. Sauf que la finale du 100 m masculin, soulignée d’un trait épais comme l’événement de la soirée, sinon du week-end tout entier, n’a ressemblé que de très loin à l’idée qu’on s’en faisait. Par son résultat. Et plus encore par son déroulé. Le casting, d’abord. Nettement plus conforme aux habitudes du sprint mondial que la version féminine, disputée la veille et dominée par une invitée surprise, Julien Alfred, une enfant de Sainte-Lucie. Sur la ligne de départ, trois Américains (Noah Lyles, Fred Kerley et Kenneth Bednarek), deux Jamaïcains (Kishane Thompson et Oblique Seville), deux Africains (Akani Simbine d’Afrique du Sud et Letsile Tebogo du Botswana), et un Italien (Marcell Jacobs). Classique. Une représentation quasi parfaite de la réalité de la discipline.
Un départ en catastrophe
A l’annonce des finalistes, le public fait connaître son choix. Noah Lyles. Le champion du monde en titre, à coup sûr le plus bankable des sprinteurs sur la planète. L’Américain le lui rend bien. Il joue son rôle : showman. La coupe de cheveux soigneusement travaillée, les ongles peints, il en fait des tonnes. Mais n’est pas Usain Bolt qui veut. Son numéro ravit les caméras. Mais la course va bientôt le rappeler à plus de retenue.
Son départ est catastrophique. Une hérésie. Kishane Thompson, à l’inverse, sort des blocks comme s’ils étaient en feu. Le Jamaïcain, meilleur chrono mondial de l’année (9″77), impose sa puissance. Il touche la victoire du doigt. Mais Noah Lyles revient. Les chiffres sont formels : au plus véloce de son effort, sa vitesse a été la plus élevée de tous les finalistes. Une pointe à 43,6 km/h. En son temps, Usain Bolt faisait mieux. Mais il était d’un autre monde. Il était la foudre.
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A l’arrivée, le tableau d’affichage hésite. Puis il hésite encore, avant de finalement rendre les armes et se tourner vers le préposé à la photo-finish. Lyles ou Thompson ? Dans le public, personne ne sait. Sur la piste, pareil. L’image se décide enfin à trancher. L’Américain est champion olympique (9″79). Le Jamaïcain est battu, mais avec le même temps. Entre les deux, cinq millièmes de seconde. Un battement de cils. Fred Kerley, un autre Américain, complète le podium. Seulement douze centièmes séparent le vainqueur du dernier des finalistes. La finale olympique la plus serrée de l’histoire.
Athlète le jour, artiste la nuit
Avec Noah Lyles au sommet du sprint mondial, l’athlétisme joue sur du velours. A 27 ans, l’Américain coche toutes les cases de la feuille de route du successeur de la légende Usain Bolt. Fort en gueule, il ne s’interdit pas de parler de lui à la troisième personne. «Noah Lyles ne peut pas perdre», assurait-il au début des Jeux. Assez talentueux pour doubler 100 et 200 m – il détient les deux titres mondiaux –, comme Usain Bolt avant lui, il a tracé sa courbe de progression sans impatience, depuis une médaille d’or aux Jeux de la jeunesse, étouffant ainsi dans l’œuf les suspicions de dopage.
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Surtout, l’Américain né et élevé en Floride sait changer de profil selon la lumière ambiante ou les attentes des photographes. Athlète le jour, artiste la nuit. Il a enregistré un album de rap, produit un docu-série à sa gloire, réalisé des vidéos et même, activité nettement plus improbable, dessiné lui-même les personnages de cartoons cousus sur ses chaussettes de course. Aux Etats-Unis, les médias en raffolent. Le public craquera à son tour.