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Résurrection

JO de Paris 2024 : quinze ans après un coma et une paralysie, Georgina Brayshaw en or en aviron

Dans le coma à 15 ans après une chute de cheval puis donnée handicapée à vie, la rameuse britannique vient de remporter l’or avec ses coéquipières du quatre de couple ce mercredi 31 juillet, à Vaires-sur-Marne.
Les rameuses de l'équipe britannique de quatre de couple, Hannah Scott, Lola Anderson, Lauren Henry et Georgina Brayshaw, après leur victoire en finale mercredi à Vaires-sur-Marne. (Lindsey Wasson/AP)
publié le 1er août 2024 à 12h39

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La vie de Georgina Brayshaw est une histoire de résurrections. Encore mercredi 31 juillet sur le bassin olympique de Vaires-sur-Marne, la rameuse britannique est revenue d’outre-tombe avec ses coéquipières du quatre de couple (chacune possède deux rames). Jamais en tête de leur finale, elles ont tout envoyé sur l’enlevage (les derniers mètres de course en aviron) pour arracher d’un bout de coque le titre olympique, 15 centièmes devant les Néerlandaises. Comment aurait-elle pu l’emporter autrement ? Donnée vaincue, avant un miracle. Sa vie, en somme.

En réalité, la Britannique a déjà vécu deux fois. La première jusqu’à l’âge de 15 ans. Au cours de cette existence-là, elle n’a jamais rêvé devenir rameuse olympique. Ni même voulu faire de l’aviron tout court. Elle se serait plutôt vue recevoir sa médaille d’or dans les jardins du Château de Versailles, en cavalière d’exception. Ce qui la botte alors, ce sont les chevaux. Ça a commencé par un cadeau, quatre cours d’équitation offerts par ses parents pour son septième anniversaire. Puis elle reprend une leçon hebdomadaire, puis deux. Quand elle n’est pas en classe le week-end, elle vient travailler dans le centre équestre du coin. Jusqu’à ce que ses parents, issus de la middle class du Yorkshire dans le nord de l’Angleterre, finissent par placer leur pécule sur Harry, son cheval, en contractant un prêt. A 15 ans, Harry est à elle.

Neuf jours de coma

«Georgie» Brayshaw n’a aucun souvenir de son accident. Ni l’heure d’avant, ni pendant, ni les trois semaines qui ont suivi. Si ce n’est qu’elle montait Harry ce jour-là. Les souvenirs, ce sont ses amis qui les ont. Ils lui ont expliqué la balade à travers champs, la traversée d’une route, Harry qui ne veut pas ralentir, une glissade… Ses parents, ses trois frères et ses amis ne savaient pas si elle s’en remettrait. Ni, si tel était le cas, dans quel état. Et lorsqu’elle s’est enfin réveillée au bout de neuf jours de coma, c’est avec le côté gauche de son corps entièrement paralysé, et des médecins qui lui promettent le fauteuil roulant pour l’éternité.

Commence alors sa seconde vie, faite de rééducation et de physiothérapie. Puis soudain elle rebouge, et rebouge vite. Elle teste l’aviron sept ans après sa chute, sur une suggestion de son paternel, lors de sa deuxième année d’université. Neuf ans plus tard, elle est cette inamovible tignasse rousse postée à la pointe arrière de l’embarcation britannique sur le bassin de Vaires-sur-Marne. Une fonction cruciale : c’est elle qui dicte le tempo aux autres. «Je n’ai pas vraiment réfléchi à ce qui se passait et je me suis contentée de continuer, a-t-elle décrypté après la course. J’ai cru en ce qu’elles me disaient derrière moi.»

Encore aujourd’hui, elle garde quelques séquelles de l’accident. Y compris lorsqu’elle donne le la sur l’embarcation. «J’étais assez faible à gauche. Il m’a fallu beaucoup d’entraînements supplémentaires pour que ces neurones fonctionnent correctement, mais même aujourd’hui, je remarque les différences», disait-elle au Guardian au printemps. Mercredi sur le bassin comme sur le podium, personne n’a rien vu de notable. Si ce n’est sa médaille d’or autour du cou.