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Libération
Embrouilles en série

JO de Paris 2024 : scènes d’escrime chez les épéistes français

Les pataquès se poursuivent à la Fédération française d’escrime sur fond de tensions entre athlètes et entraîneurs et d’annonce contestée des sélectionnés pour les JO de Paris.
L'équipe de France d'épée hommes, médaille d'argent lors des Mondiaux de Milan, le 29 juillet 2023. A gauche Alexandre Bardenet, qui n'a pas été retenu pour les JO de Paris (à ses côtés de gauche à droite: Gaétan Billa, Yannick Borel et Romain Cannone. (Andreas Solaro/AFP)
publié le 29 mai 2024 à 20h37

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Bordel pré-JO à la Fédération française d’escrime, épisode 2 327… Après les nombreux psychodrames qui ont secoué un sport traditionnellement gros pourvoyeur de médailles olympiques, l’ambiance ne s’apaise pas malgré la proximité des Jeux. La semaine dernière, deux mois après la démission de son homologue de l’équipe masculine d’épée (Hugues Obry), Alain Coicaud, manager en charge des sabreurs, a présenté la sienne, un an après avoir succédé à Vincent Anstett, qui avait été, lui, démis de ses fonctions. C’est donc son adjoint, Julien Médard, qui pilotera les sabreurs bleus cet été.

Coicaud a expliqué son geste par le fait que ses choix de sélection pour les Jeux n’ont pas été retenus et s’est dit fier de son bilan, «car la France s’est qualifiée brillamment pour Paris après seize ans de disette». Sa démission intervient après un énième pataquès sur la désignation des sabreurs pour les JO – trois en individuel plus un remplaçant : le choix de la commission de sélection a été cassé pour vice de forme. Et dans la sélection dévoilée mardi 28 mai, le remplaçant n’était pas le même que celui initialement choisi. C’est peu dire que la FFE n’a pas cillé à l’annonce de la démission de Coicaud comme en témoigne son communiqué : «La Fédération française d’escrime prend acte de la démission d’Alain Coicaud du poste d’entraîneur national, manager de l’équipe de France de sabre hommes. Les conditions n’étaient plus réunies pour que le travail final de préparation des Jeux olympiques se passe dans la sérénité requise.»

La patate chaude des embrouilles

Il est vrai que l’arrivée de Coicaud n’avait pas franchement enthousiasmé les sabreurs. Deux des trois meilleurs d’entre eux, Sébastien Patrice et Maxime Pianfetti, avaient même décidé de quitter l’Insep, la structure fédérale, pour s’entraîner avec Vincent Anstett (le prédécesseur de Coicaud, vous suivez ?) à la rentrée dernière.

Les mêmes causes ont provoqué les mêmes effets chez les épéistes, qui ont récupéré la patate chaude des embrouilles comme le révèle l’Equipe de ce mercredi 29 mai. Toujours une question de sélection olympique.

Les règlements de la FFE en la matière sont clairs : pour chaque arme, un classement interne est établi et seul le premier de ce tableau d’honneur au moment de la réunion de la commission de sélection est assuré de participer aux JO. A ce titre, à l’épée, Yannick Borel a été retenu. Les trois autres places (deux titulaires et un remplaçant) sont attribuées à la discrétion de ladite commission, qui n’est pas tenue de respecter ledit classement. Ont été retenus comme titulaires Romain Cannone (champion olympique en titre) 2e de la course interne, et Luidgi Midelton, 4e. La place de remplaçant revient au 5e, Paul Allègre. Et le 3e, Alexandre Bardenet ? Malgré la logique sportive, il ne tirera pas dans le cadre majestueux du Grand Palais cet été.

«Le choix a été clair et fait à l’unanimité concernant les trois titulaires», a expliqué à l’AFP Fabrice Jeannet, triple médaillé olympique et membre de la commission de sélection. Qui a bétonné la décision : «Luidgi Midelton a remporté une étape de Coupe du monde, qui figurait parmi les épreuves du classement sélectif.»

«Des comportements parfois très limites»

Le trio Cannone, Borel et Bardenet, champion du monde en 2022 par équipes, avait mené la fronde et obtenu le départ d’Hugues Obry, démissionnaire de son poste de manager en février mais toujours encadrant des autres tireurs. Le changement n’avait pas suffi à apaiser tout à fait les tensions : les trois hommes ne s’entraînaient toujours que très partiellement à l’Insep ces dernières semaines. «La DTN [direction technique nationale, ndlr], je lui en veux, avait lâché Alexandre Bardenet il y a deux semaines avant la dernière étape de Coupe du monde avant les JO. Ils ont eu des comportements parfois très limites, en prenant le parti des entraîneurs.»

Jeudi 30 mai, Alexandre Bardenet a réagi à sa non sélection sur Instagram: « Paris ne sera qu’un rêve que je touchais du doigt mais la ‘’commission’' a tranché, a regretté le champion du monde par équipes 2022. Chaque année, je me dis que la saison est la plus dure jamais vécue. Néanmoins, rien de comparable à l’année que j’ai passée où les coups bas étaient la norme. » Sur les réseaux sociaux Romain Cannone a adressé un message de soutien à son ex-coéquipier: « Tu seras dans nos cœurs lors de cette épreuve, je pense fort à toi, a-t-il écrit Nous avons effectué toutes les rencontres par équipe pour la qualifier l’équipe de France aux Jeux Olympiques de Paris. Malheureusement, cette dernière se fera sans toi... Je compte bien la gagner pour toi avec mes coéquipiers. »

Pour pimenter la situation, l’équipe d’épée hommes ne figure pas dans la liste des sélectionnés publiée ce mercredi 29 mai par le Comité national olympique et sportif français (Cnosf qui valide toutes les sélections quel que soit le sport). L’Equipe l’avait prédit. Au quotidien sportif, une source proche du Cnosf évoque «un bordel jamais vu». Il y eut les kremlinologues pour fouailler les entrailles du régime soviétique. Bientôt des escrimologues ?

Mis à jour le 30 mai à 15 h 30 avec les réactions d’Alexandre Bardenet et Romain Cannone