«Un selfie avec les drapeaux nationaux des deux Corées et un téléphone Samsung», écrit ce mercredi 31 juillet le populaire quotidien sud-coréen JongAng Ilbo. La réunification des deux Corées était jusqu’alors une pièce de Joël Pommerat. C’est désormais, aussi, une scène des JO de Paris. Les pongistes des deux Corées se sont photographiés ensemble mardi sur le podium. Sur la photo prise par le Sud-Coréen Lim Jong-hoon, médaille de bronze en double mixte, apparaissent Shin Yu-bin sa coéquipière, mais aussi la paire nord-coréenne vice-championne olympique, composée de Ri Jong Sik et Kim Kum Yong. Les Chinois Wang Chuqin et Sun Yingsha (or) sont aussi dans le cadre. C’est d’ailleurs la championne Sun Yingsha qui suggère au Sud-coréen de prendre la photo.

Cette scène n’aurait pas pu avoir lieu aux Jeux de Tokyo : la Corée du Nord n’avait envoyé aucun athlète en 2021, en raison de la pandémie de Covid. Cette médaille d’argent marque donc son retour sur un podium olympique. Mais outre les performances sportives cette photo de groupe est hautement symbolique, dans un contexte de tensions permanentes entre Séoul et Pyongyang, techniquement toujours en guerre.

Les deux Corées se livrent ces derniers mois à diverses humiliations le long de la frontière. Depuis la fin du mois de mai, Pyongyang envoie régulièrement des ballons transportant des déchets vers le sud. Face à cette situation, la Corée du Sud a réactivé ses haut-parleurs dirigés vers le nord. Pouvant être entendus jusqu’à 24 km à la ronde, ils diffusent des programmes moquant le régime communiste, de la K-pop ou encore des émissions d’information sur la vie en Corée du Sud, dans l’espoir d’éveiller les consciences des soldats postés dans la zone démilitarisée. Samedi 27 juillet, une manifestation pour appeler à la fin des hostilités entre les deux pays s’est tenue à Paju, ville frontalière de Corée du Sud. «Déposez les armes, dialoguez maintenant», ont scandé les 300 participants.

Voilà pourquoi cette séquence des Jeux est l’objet de tous les commentaires et analyses depuis que Lim Jong-hoon a tendu le bras. «Je les ai félicités quand ils ont été présentés (sur le podium) en tant que médaillés d’argent», a-t-il raconté très simplement à la presse sud-coréenne après la cérémonie. A l’heure où nous publions cet article, le fameux selfie n’a pas encore été publié sur les réseaux sociaux. Mais les chaînes de télévision sud-coréennes repassent le moment en boucle. «C’est le véritable esprit des Jeux olympiques», a salué un commentateur.

Cerise sur le selfie, la photo a été prise avec un smartphone Samsung, fleuron sud-coréen de la tech. Sponsor mondial des JO, Samsung a distribué 17 000 smartphones pliables aux athlètes (son Galaxy Z Flip6 Édition Olympique). Ces derniers l’ont utilisé massivement pour immortaliser la cérémonie d’ouverture depuis leurs embarcations. On retrouve également les fameux téléphones sur des stands dans tous les stades mais surtout lors des remises de médailles où les vainqueurs peuvent réaliser un «victory selfie» avec le fameux téléphone. Opération marketing inédite, rendant ce selfie historique possible. C’est ce qu’on appelle un «coup».