On l’avait découvert sur son fauteuil roulant un soir de juillet 2024, tout de blanc vêtu et trempé de la tête aux pieds. Dans le jardin des Tuileries, en conclusion de près de quatre heures d’une grandiose et pluvieuse cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, Charles Coste était apparu sur nos écrans de télévision. Doyen de ce show XXL dans les rues de Paris, le centenaire avait reçu la flamme olympique des mains de Laura Flessel, pour ensuite transmettre le flambeau à Marie-José Pérec et Teddy Riner. Charles Coste avait ensuite regardé la vasque s’envoler dans le ciel et entendu au loin Céline Dion chanter l’Hymne à l’amour. L’avant-dernier relayeur de la flamme est mort jeudi 30 octobre, a annoncé la ministre des Sports Marina Ferrari, reprenant une information publiée ce dimanche par le Parisien. Le plus vieux champion olympique encore vivant (depuis la mort de la hongroise Agnes Keleti en janvier) avait 101 ans.
Avant de briller en mondovision, Charles Coste avait connu le succès dans un quasi-anonymat. Né en 1924 dans une famille de vignerons du Var, année où Paris accueillait déjà les JO, il s’était pris de passion pour le vélo. Solide sur la route, le Varois l’était plus encore sur la piste. De tous les formats qu’offre la longue courbe ovale inclinée, il y en avait un en particulier où il excellait : la poursuite.
Champion national de la discipline en 1947, Charles Coste avait logiquement été nommé capitaine des quatre cyclistes tricolores envoyés sur le vélodrome de Londres en 1948 pour représenter la France aux premiers JO post-Seconde Guerre mondiale. Sur la piste de Herne Hill, au sud de la capitale anglaise, la bande avait réalisé le coup parfait, effaçant chez eux les favoris Anglais sous l’œil de 15 000 spectateurs, avant d’écraser les Italiens en finale le lendemain.
Bien qu’en pleine croissance, les Jeux, à l’époque réservés aux amateurs, n’étaient pas encore l’énorme raout quadriennal qu’ils sont devenus, et l’exploit du quatuor n’était pas revenu aux oreilles de tous les Français. «Le podium, c’était plutôt un petit plot, il a fallu qu’on se serre tous les quatre pour ne pas tomber», racontait-il à l’Equipe, en 2021. Les médailles ? «Elles ne brillaient pas trop, elles n’étaient qu’en plaqué or, c’était après la guerre…» Pas de Marseillaise non plus : «Ils n’ont pas dû trouver le disque…» La bande avait tout de même été reçue à l’Elysée, avec tous les médaillés français, par le président Vincent Auriol.
«Une des plus belles choses de ma longue vie»
Au sortir des JO, Charles Coste était passé professionnel. Il avait remporté le Grand prix des Nations (l’ancêtre des championnats du monde de contre-la-montre), signé quelques places de choix sur des courses en ligne et pris part à deux Tour de France (en 1952 et 1957, pour deux abandons). Les années passant, le cycliste avait fini par laisser son vélo de côté pour mener une plus reposante carrière de commercial. Longtemps resté dans l’oubli, son exploit avait été dépoussiéré à l’approche des Jeux de Paris. Charles Coste avait été décoré de la Légion d’honneur en 2022 avant d’endosser le survêtement de plus vieux relayeur de la flamme olympique.
Depuis, le centenaire star s’était fait discret, fatigué par «la cohue» vécue à Paris et la venue de journalistes du monde entier dans son appartement de Bois-Colombes, dans les Hauts-de-Seine. De ce moment privilégié passé dans le jardin des Tuileries, au milieu d’une capitale confinée, Charles Coste avait malgré tout gardé un paquet de souvenirs et il en parlait toujours avec des étoiles plein les yeux. «Voir cette flamme s’élever a été une des plus belles choses de ma longue vie», avait-il raconté au Parisien après la cérémonie. La sienne s’est éteinte cette semaine.