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Dopage

JO de Tokyo 2021 : des nageurs de l’équipe chinoise ont été contrôlés positifs sept mois avant les épreuves

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Le New York Times et la chaîne allemande ARD révèlent ce samedi 20 avril que de nombreux athlètes de l’équipe chinoise de natation aux Jeux de 2021 avaient été testés positifs quelques mois avant à une substance interdite. Les agences chinoise et internationale antidopage avaient choisi de passer outre et ne pas rendre ces résultats publics.
Yufei Zhang, de l'équipe de Chine, participe à la finale du 200 m papillon féminin lors de la sixième journée des Jeux olympiques de Tokyo 2020, le 29 juillet 2021. (Al Bello/Getty Images.AFP)
publié le 20 avril 2024 à 13h23

Entre des médailles, dont trois en or, et un record du monde, les nageurs chinois avaient brillé lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 2021. Trois ans plus tard, le tableau s’assombrit : presque la moitié de l’équipe de natation envoyée par la Chine aurait été testée positive à des contrôles antidopage sept mois plus tôt, selon les révélations ce samedi 20 avril du New York Times et de la chaîne allemande ARD. Et plusieurs de ces athlètes, dont la double médaillée d’or Zhang Yufei, devraient prétendre à des médailles aux Jeux de Paris cet été.

Au total, 23 nageurs chinois ont été contrôlés positifs. Les tests ont été réalisés entre décembre 2020 et janvier 2021, à l’occasion d’une compétition nationale organisée à Shijiazhuang. L’événement était surtout vu comme un échauffement pour les 200 des meilleurs nageurs du pays. Sauf que sur soixante contrôles, réalisés sur 39 nageurs, 28 se sont révélés positifs. Ce qui concernait 23 athlètes ayant nagé pendant l’événement.

Ce lundi 22 avril, Pékin a réagi en qualifiant de «fallacieuses» ces allégations de dopage. «Après une enquête approfondie et détaillée de cet incident par le centre chinois antidopage en 2021, il a été déterminé que les athlètes concernés avaient consommé des médicaments contaminés à leur insu», s’est défendu le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin. Et d’ajouter : «Nous défendons la concurrence loyale lors d’événements sportifs et nous avons contribué activement à la lutte mondiale contre le dopage.»

«Contamination alimentaire accidentelle»

A chaque fois, la même substance identifiée : la trimetazidine. Produit normalement utilisé pour des problèmes cardiaques, et interdite depuis 2014 par l’Agence mondiale antidopage, dans la catégorie des modulateurs hormonaux et métaboliques. Car cette substance permettrait aux athlètes de maintenir un rythme cardiaque élevé plus longtemps, ce qui améliorerait leur circulation sanguine et ainsi boosterait leur endurance.

Au moment des résultats de ces contrôles, les autorités chinoises avaient plaidé pour une contamination alimentaire accidentelle, en quantité infime. Ce pour quoi elles ont choisi de ne prendre aucune mesure contre les athlètes concernés, justifient-elles. Il faut dire que les Jeux Olympiques sont importants dans le pays, tant dans la ferveur populaire qu’ils suscitent que dans l’image que le gouvernement chinois entend véhiculer au reste du monde. La Chine avait d’ailleurs déjà été éclaboussée par un scandale de dopage : le nageur et triple champion olympique Sun Yang était privé des Jeux de Tokyo car testé positif lors d’un contrôle inopiné en février 2020, et suspendu un peu plus de quatre ans.

Bien informée de ces contrôles positifs, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a pourtant choisi de passer outre, face à l’argumentaire de l’agence chinoise et «l’absence de preuve crédible». L’affaire est donc passée sous silence. Jusqu’à aujourd’hui. L’AMA assure ne pas regretter sa décision, appuyée, assure-t-elle, par la consultation de scientifiques et un conseiller juridique externe. Et affirme que les critiques sont «infondées».

Ce qui n’est pas de l’avis de plusieurs experts et responsables américains, interrogés par le New York Times. Ils regrettent que les nageurs n’aient pas été suspendus ou identifiés publiquement dans l’attente d’une enquête plus approfondie. Ces révélations signent, selon eux, l’échec des responsables sportifs chinois, du World Aquatics (fédération internationale de natation) et de l’Agence mondiale antidopage dans leur mission. «C’est un coup de couteau dans le dos des athlètes propres et une profonde trahison des athlètes qui concourent de manière juste, qui suivent les règles», dénonce Travis Tygart, directeur de l’Agence américaine antidopage (USADA). Il reconnaît avoir fourni plusieurs fois à l’AMA des allégations de dopage dans la natation chinoise depuis 2020.

Enième affaire

La décision contraste aussi avec le cas de la jeune patineuse russe Kamila Valieva, condamnée à 4 ans de suspension après un contrôle positif pour la même substance, fin décembre 2020. Le résultat avait été révélé lors des JO d’hiver de Pékin, et l’âge minimum de participation avait été relevé, ce qui empêchait l’athlète de disputer la compétition.

Cette nouvelle affaire éclaire une nouvelle fois les difficultés pour les organismes nationaux d’assumer leurs responsabilités dans les cas de dopages de leurs athlètes, comme l’avait largement montré le programme de dopage institutionnalisé par la Russie, révélé il y a dix ans.

Mise à jour : le lundi 22 avril à 11 h 10, avec la réaction de Pékin.