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JO : podium très politique pour la lanceuse de poids Raven Saunders

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L’Américaine de 25 ans, qui a vécu une profonde dépression ces dernières années, a posé poings croisés au-dessus de sa tête, en soutien aux personnes oppressées. Le CIO, qui interdit les gestes militants sur les podiums, étudie le dossier.
Sur le podium, Raven Saunders, breloque d’argent autour du cou, croise les poings au-dessus de sa tête, le 1er août, dans le stade olympique de Tokyo. (Ina Fassbender/AFP)
publié le 2 août 2021 à 9h06
(mis à jour le 2 août 2021 à 14h13)

Sur le podium du stade olympique de Tokyo, les trois médaillées du lancer de poids féminin prennent la pose, sous le crépitement des appareils photo. Alors que la Chinoise Gong Lijiao, médaillée d’or, et la Néo-Zélandaise Valerie Adams (bronze) se figent comme le veut la coutume, bouquet de fleurs dans une main, médaille dans l’autre et sourire aux lèvres, l’Américaine Raven Saunders se démarque : breloque d’argent autour du cou, elle croise les poings au-dessus de sa tête, sans montrer la moindre émotion.

Interrogée après la compétition, la vice-championne olympique de 25 ans explique avoir formé un X en soutien à toutes les personnes oppressées «qui se battent et qui n’ont pas de plateforme pour faire entendre leur voix». «Je suis heureuse de ramener cette médaille à la maison pour eux aussi, pas seulement pour moi, a ajouté l’athlète noire, très investie dans la défense des droits des LGBT+. Bravo à tous mes frères et sœurs noirs. Bravo à toute ma communauté LGBTQ. Bravo à tous ceux qui s’occupent de santé mentale.» Elle est la première athlète depuis le coup d’envoi des Jeux de Tokyo à utiliser la cérémonie de remise des médailles comme plateforme politique.

Gestes politiques bannis des podiums

Avant le début des compétitions, le Comité international olympique (CIO) avait annoncé que les sportifs pourraient désormais s’exprimer sur des sujets politiques ou sociétaux lorsqu’ils s’adressent aux médias, avant et après leur compétition, lors des réunions d’équipe ou sur les réseaux sociaux. En revanche, l’interdiction de protester tant sur les podiums que les terrains de sport des olympiades a été maintenue.

De fait, Saunders est théoriquement sanctionnable par l’instance olympique. Interrogé sur le sujet dans son point presse quotidien, le CIO a répondu lundi qu’il allait «étudier ce dossier» et tenter de «comprendre précisément ce qu’il s’est passé», en restant «en contact avec le Comité olympique et paralympique américain et avec World Athletics [la fédération internationale d’athlétisme, ndlr]».

Dans la soirée à Tokyo, le Comité olympique et paralympique américain (USOPC) a apporté son soutien à Saunders. «L’USOPC a mené sa propre analyse et a établi que la manifestation pacifique de Raven Saunders pour une société plus juste et antiraciste à la fin de la cérémonie était respectueuse de ses adversaires et n’a pas violé nos règles liées aux prises de positions», a fait savoir l’organisation dans un communiqué.

«Hulk» revient de loin

Avant même de repartir avec la médaille d’argent, l’Américaine s’était déjà fait remarquer. Pour son entrée dans la compétition, Raven Saunders était apparue grosses lunettes futuristes sur le nez, et sourire du joker dessiné sur son masque, symbole de revanche après plusieurs années compliquées.

«Hulk» comme elle se surnomme – pour sa difficulté à contrôler sa force et son pouvoir – a révélé en 2020 avoir vécu une profonde dépression et eu des pensées suicidaires. C’est finalement quand elle a osé en parler et s’entourer de psychologues, selon ses dires, qu’elle a commencé à aller mieux, même si cela reste «une bataille de tous les jours». «C’est OK d’être fort. Mais c’est aussi OK de ne pas être fort 100 % du temps. C’est OK d’avoir besoin des autres», avait-elle martelé.

A Tokyo, la lanceuse américaine avait l’ambition de faire mieux qu’en 2016 à Rio, où elle avait terminé 5e avec un lancer à 19,35 m. Malgré les blessures à répétition et ses problèmes personnels, Raven Saunders a donc tenu son pari. Peut-être parce qu’elle arrivait au Japon en ayant déjà remporté son principal combat : celui contre sa dépression.

Mise à jour : à 14h10 avec le soutien du Comité olympique américain à son athlète.