Un paradoxe : la France déboule à Pékin avec une délégation rétrécie au possible de 88 athlètes – la plus petite depuis les Jeux de Calgary en 1988, vingt de moins qu’il y a quatre ans – mais peut ambitionner une moisson inédite. Au-delà des 15 médailles ramenées de Sotchi 2014 et de Pyeongchang 2018, donc. Le tout au cours d’une édition chinoise qui n’aura jamais compté autant d’épreuves (109).
La stratégie bleue est assumée : moins de monde, mais dans ce contingent restreint, un bon quart qui peut espérer accrocher un podium, voire mieux. De l’ultra-compétitif, avec le risque de faire reposer les espoirs olympiques sur les épaules de quelques champions ou quelques disciplines seulement.
Une certitude : les objectifs français dépendront en grande partie des résultats des biathlètes, très en vue depuis le début de la saison. La discipline devrait être le baromètre du public français au cours de la quinzaine. Si Quentin-Fillon Maillet et Emilien Jacquelin, tous deux en tête du classement de la Coupe du monde, tiennent leur rang en individuel, que l’équipe féminine (sept podiums en neuf courses) et les relais (mixte, féminin et masculin) font le job, alors il est permis d’espérer entre cinq et neuf médailles.
Pinturault et Worley en fers de lance du ski alpin
Comme il y a quatre ans en Corée du Sud, le ski alpin (dix hommes et huit femmes engagés) mise gros sur Alexis Pinturault, notamment en combiné (une épreuve de vitesse, mixée à une manche de slalom). L’ogre autrichien Marcel Hirscher étant retiré des pistes, le licencié de Courchevel pourrait bien profiter de l’aubaine pour décrocher l’or en combiné, après sa deuxième place à Pyeongchang. Et succéder par la même occasion à Antoine Dénériaz, dernier vainqueur français en ski alpin. C’était à Turin, il y a seize ans. Un podium a minima serait le bienvenu, tant les incertitudes sont nombreuses pour Pinturault sur les autres courses. Parviendra-t-il à faire fi de son décevant début de saison, vierge de succès ?
Pour le reste des troupes, il ne faudra pas s’attendre à une razzia. A moins que le champion du monde de géant Mathieu Faivre, ou le doyen du groupe Johan Clarey, récent deuxième en descente sur l’impitoyable Streif, à Kitzbühel (Autriche), viennent titiller la hiérarchie mondiale, les espoirs se concentreront essentiellement sur le slalomeur Clément Noël et sur la porte-drapeau Tessa Worley. Moins en vue qu’en 2018 mais tout de même troisième du classement de Coupe du monde en géant, la double championne du monde de l’épreuve est en mesure de signer des chronos suffisants pour finir sur la boîte, voire tout en haut.
Des espoirs en ski acrobatique et en snowboard
Idem pour les fondeurs Richard Jouve et Lucas Chanavat, capables de tirer leur épingle du jeu en sprint, à condition d’être dans un jour avec. Le ski de fond pourrait d’ailleurs rapporter une autre médaille, si le relais masculin porté par le quatuor Maurice Manificat-Jean-Marc Gaillard-Clément Parisse-Adrien Backscheider réitère sa prouesse de 2018, où il avait terminé troisième.
En cas de disette, les Bleus pourront sûrement compter sur le ski acrobatique, l’autre potentiel bon réservoir de médailles. Moins dominatrice que l’hiver dernier, mais toujours régulière, Perrine Laffont visera le doublé olympique en ski de bosses, tandis que Benjamin Cavet aura une carte à jouer chez les hommes. Tombée en Corée du Sud, la Savoyarde Tess Ledeux, 20 ans, se présentera revancharde et en confiance avec deux titres dans le viseur, en slopestyle et en big air, une épreuve qui fait sa première apparition olympique.
Portrait
Après une édition 2018 ratée, le skicross français entend bien redorer son blason et empocher la mise avec des candidats calibrés pour (Bastien Midol, Terence Tchiknavorian, Jade Grillet-Aubert et Alizée Baron). Quant au snowboardcross, discipline où la France a toujours ramené au moins une médaille depuis son apparition aux Jeux de Turin en 2006, le gros des chances tricolores reposera ce coup-ci sur Chloé Trespeuch, bronzée en 2014 à 21 ans, très régulière cette saison en Coupe du monde.
Les sports de glace en perdition
En revanche, il ne faudra pas espérer grand-chose dans les sports de glace, quasi-déserts avec seulement 16 athlètes pour représenter la France. A priori, une seule mais très belle chance de médaille, avec le duo multimédaillé Gabriella Papadakis-Guillaume Cizeron en danse sur glace, à qui seul l’or olympique fait encore défaut. Tout autre résultat serait vu comme une immense désillusion.
La pression sera bien moindre pour le bobsleigh, qui a su se structurer au cours des quatre dernières années et sera pour la première fois représentée par des femmes, Margot Boch et Carla Sénéchal. Huitièmes des derniers Mondiaux, Romain Heinrich et Dorian Hauterville peuvent figurer parmi les bonnes surprises en bob à deux.
Ce sont bien là les seuls motifs de satisfaction. Personne en curling, personne en luge, ni de femmes ni de couples en patinage artistique. Sans oublier le skeleton, qui aurait pu présenter pour la première fois une femme, en l’occurrence la championne d’Europe juniors 2022 Agathe Bessard, et dont la non-sélection alors qu’elle remplissait les critères de qualification définis par la Fédération internationale – mais pas ceux de la Fédération française des sports de glace – est difficilement compréhensible.