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Délocalisation

JO Milan-Cortina 2026 : la piste de bobsleigh envisagée hors d’Italie, terrain glissant pour Giorgia Meloni

JO d'hiver 2026 de Milan-Cortinadossier
A deux ans des Jeux d’hiver, l’Italie cherche encore la piste qui devra accueillir les épreuves de luge, skeleton, et bobsleigh. Au point de réfléchir à une solution à l’étranger, au grand dam des visées nationalistes de son gouvernement.
Lors de l'épreuve olympique de bobsleigh à Pékin, le 19 février 2022. (Adam Pretty/Getty Images. AFP)
publié le 6 décembre 2023 à 15h03

C’est la piste de la discorde : sur quel site s’affronteront les lugeurs, skeletoneurs et autres bobeurs olympiques lors des JO 2026 de Milan-Cortina ? A deux ans du rendez-vous olympique hivernal, la question se pose plus que jamais en Italie. Elle agite le sport transalpin et même au-delà, jusqu’au sommet de l’Etat. Car le temps passe, et la possibilité de voir ces épreuves délocalisées à l’étranger – ce serait une première pour des olympiades d’hiver – apparaît de plus en plus plausible. La perspective d’un camouflet effraie les autorités italiennes, qui portent leur nationalisme en bandoulière.

Mardi 5 décembre, le dossier inflammable était au cœur d’une réunion cruciale au palais Chigi de Rome, le siège de la présidence du Conseil. Autour de la table : le comité de pilotage des JO 2026, composé entre autres du vice-Premier ministre, Matteo Salvini, du ministre de l’Economie, Giancarlo Giorgetti, et du ministre des Sports, Andrea Abodi. Il devait passer au crible les rares options. Ce mercredi, un conseil d’administration du comité d’organisation Milan-Cortina 2026 doit à son tour se pencher sur ce cas controversé, qui revient comme un boomerang sur le nez des organisateurs.

A chaque candidature pour les Jeux d’hiver ou presque, la question du lieu susceptible d’héberger ces trois disciplines, qui représentent 12 des 116 titres olympiques, est souvent l’une des plus épineuses, compte tenu de son coût et de son faible intérêt aux yeux des populations locales.

Meloni s’en mêle

Pourtant, le déroulé semblait acté dans la mouture initiale du dossier de présentation conçu par le comité olympique italien (Coni). Les organisateurs prévoyaient de construire une réplique à Cortina, sur les vestiges de la piste Eugenio-Monti utilisée en 1956 pour les premiers JO hivernaux organisés dans la Botte. Une opération onéreuse (l’enveloppe était estimée à 100 millions d’euros) et non sans conséquence pour l’environnement. L’idée a fini par faire long feu après moult atermoiements, faute de candidats pour se charger des travaux, sûrement refroidis par les discussions vigoureuses entre pro et anti-pistes, où figurent en première ligne les associations de protection de l’environnement.

Le 16 octobre, le président du Comité olympique italien et du comité d’organisation des JO 2026, Giovanni Malagò, annonce lors de la session du Comité international olympique (CIO) à Mumbai que, faute de piste calibrée pour l’événement à disposition, ces épreuves auront certainement lieu hors du pays. «Dans une phase aussi délicate pour notre économie, il est impensable que le gouvernement mette en action de nouvelles dépenses pour une piste de bob», justifiait alors le ministre italien des Sports au quotidien turinois La Stampa.

Un crève-cœur pour beaucoup d’Italiens, à commencer par l’extrême droitière présidente du Conseil, Giorgia Meloni. Quelques jours après cette annonce, son gouvernement a remis sur la table, guidé par le sacro-saint «made in Italy», une autre option : la piste de Césane, bâtie spécialement pour les olympiades 2006 de Turin, qui nécessite toutefois plusieurs travaux de remise à neuf pour être conforme aux standards du cahier des charges du CIO. «Le dossier Césane a été rouvert par le gouvernement italien. Aux yeux du CIO, seuls des sites existants et utilisables doivent être considérés à ce stade», a rappelé le directeur exécutif des Jeux, Christophe Dubi.

Une piste fermée seulement six ans après son inauguration

«On nous a indiqué qu’il faudrait nous rendre disponibles, confirme le maire du village piémontais de 900 habitants, Roberto Vaglio. Parce que ces Jeux olympiques sont des Jeux olympiques italiens et il serait un peu étrange de devoir les déléguer à l’étranger, en dépensant de l’argent à l’étranger, quand nous avons la possibilité, avec un coût très limité, de remettre en service cette structure.»

Un projet de rénovation de ce site, fermé six ans seulement après son inauguration en 2006, a donc été ébauché à la hâte. Selon ce document, il est possible de redonner vie à ce tracé long de 1 435 mètres et fort de 19 virages, qui avait coûté 110 millions d’euros deux décennies plus tôt. En incluant la reconstruction des installations de réfrigération, démantelées car elles utilisaient de l’ammoniac pour la fabrication de la glace – une technologie peu verte et abandonnée depuis – l’affaire pourrait tourner autour des 30 millions d’euros.

La Simico, la société chargée de la livraison des infrastructures olympiques (l’équivalent de la Solideo pour Paris 2024), a donc présenté mardi au comité de pilotage son étude de faisabilité pour la rénovation de Césane.

Des épreuves en Suisse ou aux Etats-Unis ?

Si cette option devait être rejetée, le comité d’organisation des JO 2026 est déjà entré en contact avec plusieurs gestionnaires de pistes, notamment en Autriche (Innsbruck) et en Suisse (Saint-Moritz). Le maire d’Innsbruck avait déjà proposé d’accueillir ces épreuves de glisse dans sa ville en août, moyennant un budget chiffré entre 12 et 15 millions d’euros. «Je peux comprendre la blessure à l’orgueil national que cela représenterait pour les Italiens, mais lorsque nous avons vu que l’appel d’offres pour la construction de la piste de bob de Cortina 2026 était resté sans candidat, nous avons décidé de mettre à disposition notre piste», déclarait le maire.

France 3 Auvergne-Rhône-Alpes rapporte que la piste de La Plagne, construite pour les JO d’Albertville de 1992 et encore à ce jour l’unique équipement français homologué, n’a pas été contactée directement par l’organisation des Jeux de 2026. «Ce qui n’empêche qu’au cours d’échanges informels, nous leur avons indiqué l’éventuelle disponibilité de notre piste», explique à l’antenne régionale de France TV le directeur de la piste La Plagne, Bruno Thomas. L’équipe italienne se serait aussi renseignée aux Etats-Unis. «Toutes les options à l’étranger sont étudiées, assure une source ayant connaissance du dossier. Cela devient une négociation commerciale, la question du coût pourrait être déterminante.»

Et si la piste de Césane, à 600 kilomètres de Cortina et à 200 kilomètres de Milan, venait finalement à être retenue, les JO d’hiver deviendraient alors les plus «éclatés» géographiquement de l’histoire. La date limite pour «définir la voie à suivre» est fixée en accord avec le CIO à janvier.