Scène de larmes aux Jeux de Pékin. Eileen Gu, présentée avant le début des compétitions comme la star chinoise de la quinzaine, peine à retenir un sanglot dans l’aire d’arrivée du big air. Son troisième et dernier run, marqué par un saut irréel, un double cork 1620, installe son nom en tête du classement. Elle est championne olympique. Tess Ledeux, battue pour le titre par l’infime écart de 0,75 point, s’effondre en pleurs dans les bras de la troisième, la Suissesse Mathilde Gremaud. La Française était venue pour l’or, elle repartira avec l’argent.
Les larmes de Tess Ledeux 🇫🇷 après sa médaille d'argent à #Beijing2022...
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Tu reviendras plus forte, championne 👊 #ChaletClub pic.twitter.com/sro4REa9HA
Heureuse malgré tout ? Déçue à en pleurer ? Tess Ledeux ne sait plus trop vers quels sentiments se tourner. Plus tard, face aux médias, elle offre un visage incertain, partagé entre le gris et le bleu. «Je n’ai pas les mots, j’ai vraiment skié de mon mieux aujourd’hui, glisse-t-elle. Il y a eu tellement d’émotions. Perdre la médaille d’or pour si peu, aux Jeux olympiques, cela fait un peu mal sur le moment. Mais le niveau a été juste incroyable. Je ne m’y attendais pas. Je suis très heureuse d’être arrivée deuxième avec ce que j’ai apporté aujourd’hui. Je crois n’avoir jamais aussi bien skié de toute ma vie. Je ne peux avoir aucun regret.»
A Pékin, ce mardi 8 février, le big air féminin était sans concurrence possible l’épreuve où montrer sa frimousse, même cachée sous un masque. Thomas Bach, le président du CIO, a pris place au premier rang du maigre public. Un signe. Surtout, les caméras ont repéré Peng Shuai dans les travées du site. La joueuse chinoise, devenue très visible depuis quelques jours, a papoté avec le dirigeant allemand comme le feraient un oncle et sa nièce au comptoir d’un troquet.
Eileen Gu tente le tout pour le tout
Thomas Bach et Peng Shuai n’étaient pas venus seulement pour suivre la finale du big air, nouvelle épreuve du programme des Jeux d’hiver. L’un et l’autre avaient fait le périple pour Eileen Gu, le visage le plus reconnaissable des sports d’hiver chinois. A 18 ans, la jeune femme découvre l’univers olympique, mais elle s’y déplace sans donner l’impression de chercher ses repères. Née en Californie, installée à San Francisco, Eileen Gu aime se définir comme athlète, étudiante et «mannequin à temps partiel». Les annonceurs en raffolent. Le public suit en procession chacun de ses pas, sur les pistes et en dehors. Surnommée «Princesse des neiges», Eileen Gu recense 1,3 million d’abonnés à son compte Weibo, la version chinoise de Twitter.
A Pékin, la Chinoise a pris son temps pour dessiner sa victoire. Après deux runs, elle pointait encore à distance de Tess Ledeux. Sur la structure installée en pleine friche industrielle pékinoise, entre cheminées, hauts fourneaux et tours de refroidissement d’une ancienne usine sidérurgique, la Française a frappé fort d’entrée dans cette finale en trois manches en signant un «double cork 1620», soit une rotation de quatre tours et demi, récompensée par 94,50 points. Une prouesse que seule une femme avait déjà réussi à placer avant cette compétition : elle-même, trois semaines plus tôt lors des X-Games hivernaux à Aspen (Etats-Unis). Elle n’a pas faibli ensuite en réussissant un «switch left 1440», soit cette fois quatre tours en l’air, qui lui ont valu 93 points.
𝐃𝐎𝐔𝐁𝐋𝐄 𝐂𝐎𝐑𝐊 𝟏𝟔𝟐𝟎 TENTÉ, ET RÉUSSI ✅
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Magistrale Tess Ledeux 🇫🇷, qui prend la tête après la première manche de la finale du Big Air et se rapproche de la médaille d'or #Beijing2022
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Mais la dernière descente d’Eileen Gu a éteint les illusions de la Française. La sino-américaine a tenté, et réussi, un 1620, un saut qu’elle n’avait encore jamais essayé en compétition. Le jury a salué l’audace. Puis la jeune femme a expliqué aux médias, s’exprimant en mandarin avec une pointe d’accent américain : «J’avais pensé le tenter quelques jours avant les Jeux, même si je ne m’y étais encore jamais risquée dans une épreuve officielle. Mais j’ai pris la décision seulement cinq minutes avant le run. En fait, j’ai appelé ma mère après le deuxième saut, elle m’a dit : ‘’Ne le fais pas, tu peux faire un autre 1440 pour essayer de d’avoir la médaille d’argent’'. Mais je ne fais pas de la compétition pour ça, pour me situer par rapport aux autres. Je m’aligne en compétition pour skier à 100 %, pour aller au bout de mes limites.»
Puis la Chinoise a déroulé avec des gestes précis les fils de sa jeune existence, entre les études en Californie, l’entraînement au ski acrobatique et sa carrière naissante de top model. Elle a raconté avoir été la première élève de l’histoire de son lycée à obtenir son diplôme par anticipation. Elle a assuré s’être entraînée plus que toutes ses partenaires de l’équipe nationale, souvent jusque tard dans la soirée. Elle a raconté avoir profité des vacances scolaires, l’été dernier, pour bosser comme mannequin, parfois huit à dix heures par jour. Enfin, elle a remercié la Chine de tous ses efforts pour organiser les Jeux d’hiver en pleine crise sanitaire. Tellement jeune, Eileen Gu, mais déjà si parfaite.
Mise à jour : à 8 h 51, avec plus de précisions sur le déroulé de l’épreuve.