A l’hôtel de ville, juste avant la ligne de départ. Je n’ai jamais vu une telle explosion de couleurs flashy. L’un porte un maillot rose pétard sponsorisé par une marque de vêtement, tandis que l’autre a eu l’(étrange) idée d’enfiler un legging orange moulant. Certains ont l’air très (très) chauds : ils expirent bruyamment, sautillent sur place pour chauffer les muscles comme Rocky Balboa sur un ring de boxe. «Ils sont là pour gagner», observe mon copain venu me soutenir. Fabien, ingénieur brevet, vêtu, lui, d’un costume de poulet tricolore, bleu blanc rouge, se moque de son temps : il ne s’est «pas vraiment préparé pour la course» même s’il a «déjà couru un marathon l’année dernière. Dix kilomètres, sans prétention, c’est assez simple». «Je vois des gens avec des tee-shirts de triathlon ou d’athlétisme. Moi, je ne suis pas du tout là pour ça : je veux juste kiffer avec la foule», affirme le coureur de 29 ans. Avec mon tee-shirt blanc, mon legging violet et mes chaussures noires, je me sens toute petite au milieu des 20 024 participants. Cela fait maintenant quatre mois que je n’ai pas couru plus de 5 kilomètres. Pourtant, moi aussi, je suis là pour gagner, au moins faire partie des 500 premiers.
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23 h 30, l’heure du départ. Tous les coureurs s’élancent à une allure folle. J’ai eu la malheureuse idée de renseigner sur le site de «Marathon pour tous» mon record sur un dix kilomètres effectué… il y a plusieurs années. Résultat : je fais partie du premier sas, celui des plus rapides. Portée par la foule, je passe les cinq premiers kilomètres sans encombre. Simple, agréable même. A chaque seconde, j’ai l’impression que les spectateurs me font une standing ovation. Certains tendent leur main avec l’espoir que je la checke. Je me prête au jeu et me prends franchement pour une star. D’autres crient même mon prénom, inscrit sur mon dossard. Alors là, c’est incroyable. Je SUIS une star !
Minuit 15 : Le cinquième kilomètre passé, ça devient plus compliqué. Je me rends compte que j’ai couru bien trop vite et que si je continue à cette allure, je ne vais jamais franchir la ligne d’arrivée. Et cela, il en est hors de question puisque j’ai assuré à toute la rédaction que j’y arriverai (facilement). Alors je ralentis ma foulée quitte à être dépassée.
Statistiques
Minuit 30 : Une… deux… Trois ! Je compte mes ampoules aux pieds. Impossible d’interviewer des participants pendant la course, comme je l’avais prévu. Ils vont beaucoup plus vite que moi et ma salive pâteuse m’empêche de parler. Le dernier kilomètre me semble interminable (j’ai l’impression d’en courir quatre). A cet instant, je crache mes poumons. De loin, j’aperçois les Invalides, le lieu d’arrivée, mais à ce stade, je me rends compte que je n’ai absolument pas regardé les monuments, le long du parcours. La beauté de Paris me laisse de marbre. Je veux juste finir cette satanée course.
A la ligne d’arrivée : J’ai fini, enfin ! Je gagne même une médaille. Couleur or, je précise. Lina, 30 ans, couronne lumineuse sur sa tête, est assise par terre avec ses amis. Elle aussi a couru les 10 kilomètres et retient surtout «la très bonne ambiance de ce soir. J’en ai même eu des frissons. Les gens ont crié mon nom plein de fois et ce qui fait plaisir, c’est d’avoir des encouragements dans toutes les langues». Son cou est, lui, décoré d’un ruban orange au bout duquel se trouve une médaille ronde et lourde. Le chiffre 24 ainsi que la date de ce soir y sont gravés. Pour moi, ce sont les cris des supporters qui resteront ancrés dans ma mémoire.