«On a toujours le même objectif de remporter le tournoi olympique par équipes à Tokyo.» Cinq jours après l’annonce par la Fédération d’escrime de l’éviction du champion olympique par équipes de Rio, Daniel Jérent, de la délégation en partance pour le Japon suite à un contrôle positif en date de novembre 2018, le message comme l’objectif restaient clairs chez les Bleus de l’épée.
A un gros mois de l’échéance, le doublé reste accessible. «Au départ, on était six dans le projet olympique. L’équipe alignée aujourd’hui est celle qui a qualifié l’équipe de France aux Jeux olympiques, contextualise Alexandre Bardenet, titré par équipes avec Jérent en 2016, interrogé ce mardi par Libération. Quelles que soient les personnes qui sont dans l’équipe, on a l’un des meilleurs collectifs à l’épée, avec des anciens qui sont les piliers du groupe et des jeunes capables de nous apporter de la fraîcheur, de la bonne humeur et de l’énergie. On a confiance en elle, on essaie de garder le cap, continuer de se projeter vers l’avant, de rêver.»
Et faire abstraction de cet épisode douloureux : le 17 juin, Daniel Jérent a compris qu’il ne serait finalement pas de la partie à Tokyo. Le Guadeloupéen a vu son cas renvoyé vers la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), à la suite d’un contrôle positif il y a sept mois. Son passage devant la commission n’interviendra pas avant plusieurs semaines.
La Fédération française d’escrime (FFE) ne détaille pas le produit concerné. Selon l’Equipe, il s’agirait de la dorzolamide, un diurétique, dont les deux échantillons A et B sont positifs. «Malgré la confiance que nous avons en Daniel, la FFE prend la décision de retirer son nom de la sélection pour les Jeux olympiques de Tokyo afin qu’il puisse au mieux assurer sa défense, et que l’équipe de France poursuive sa préparation de la manière la plus sereine», indique vendredi la FFE dans un communiqué.
Pourquoi la FFE a-t-elle gardé Jérent au sein de la délégation, alors qu’elle savait l’athlète positif depuis près de sept mois ? «Nous avions l’information sans avoir le fond du dossier. Or en tant que fédération, nous dépendons de l’instruction des dossiers par l’AFLD. Officiellement, l’AFLD a statué hier [jeudi]. Elle avait aussi la possibilité de ne pas le poursuivre. Nous ne pouvions donc prendre une décision avant, explique Grégory Lafon, vice-président en charge de la communication à la FFE, interrogé par Libération. On ne pouvait pas ne pas le mettre sur la liste car il avait mérité sa sélection.» Dans le cas où l’agence aurait jugé bon de le laisser tranquille, Daniel Jérent aurait pu contester sa non-sélection pour les Jeux si la Fédération ne l’avait pas inscrit sur sa short-list.
«Quand on a eu l’annonce des sélections. On savait que c’était dans l’équation», abonde Alexandre Bardenet, forcément marqué par la nouvelle. «Pour l’instant aucune sanction n’a été communiquée. On suit ça au fil de l’eau. Ça a été quand même brutal. Daniel c’est un ami. Je lui témoigne tout mon soutien dans ce moment difficile. J’essaierai, au-delà de l’escrimeur, d’être l’ami dont il a besoin», souffle l’actuel 11e mondial à l’épée.
Déjà suspendu un an pour trois «no-shows»
L’éviction de Daniel Jérent reste tout de même un sacré coup dur pour l’équipe de France. On parle là d’un taulier de l’escrime tricolore, en poste chez les Bleus depuis 2013. Fort de trois titres mondiaux par équipes (2014, 2017, 2019), il était notamment de la partie lors du sacre olympique en 2016 à Rio, où il ferraillait en compagnie de Gauthier Grumier, Jean-Michel Lucenay et Yannick Borel. Le dernier cité se préparait avec lui à l’Insep depuis plusieurs semaines en vue des Jeux.
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Son état de forme n’était pas encore optimal, lui qui revenait d’une grave blessure au printemps 2020 : un accident de la route lui a valu une double fracture du fémur, l’écartant des pistes plusieurs mois. Il avait pris part le 19 mars à la seule épreuve internationale d’épée disputée depuis le début de la pandémie, à Kazan (Russie), où il s’était arrêté en 16e de finale.
Entre juin 2018 et juin 2019, il avait déjà dû purger douze mois de suspension ferme en raison de trois manquements à ses obligations de géolocalisation («no show»). Le licencié du Levallois Sporting Club avait toutefois pu revenir à temps pour participer aux Championnats du monde 2019 à Budapest, et jouer un rôle déterminant dans le gain du titre par équipe avec Yannick Borel, Ronan Gustin et Alexandre Bardenet. Au Japon, Jérent sera remplacé par Romain Cannone, qui disputera les deux épreuves dans lesquelles Daniel Jérent était engagé, tandis que Ronan Gustin a été rappelé pour être remplaçant par équipes.