Seul au monde sur le bitume de Sapporo, le Kényan Eliud Kipchoge a triomphé au bout du marathon olympique dimanche matin, comme cinq ans plus tôt à Rio. De quoi entrer encore un peu plus dans la légende. Côté français, Nicolas Navarro a signé une épatante remontée pour terminer 12e (2h12′50″). Morhad Amdouni, resté avec la tête de course jusqu’au trentième kilomètre, s’est classé 17e (2h14′33″).
A un millier de kilomètres au nord de Tokyo, où ont été délocalisées les épreuves sur route à la recherche de conditions météo plus clémentes – ce qui, dans une certaine mesure, a fini par être le cas dimanche – Kipchoge s’est imposé en solitaire en 2 heures 8 minutes et 38 secondes. Le coup d’œil vers l’arrière qu’il a jeté dans les derniers hectomètres était bien superflu tant il a dominé la course. Plus d’une minute derrière, au prix d’un haletant sprint final, le Néerlandais Abdi Nageeye (2h09′58″) et le Belge Bashir Abdi (2h10′00″), tous deux d’origine somalienne et partenaires d’entraînement, ont privé le Kenya d’un nouveau doublé au lendemain de celui réalisé dans le marathon féminin.
A 36 ans, Kipchoge devient ainsi le troisième coureur à remporter deux fois coup sur coup le marathon olympique, après l’Ethiopien Abebe Bikila (1960 et 1964) et l’Allemand de l’Est Waldemar Cierpinski (1976 et 1980). «Je crois que je vais laisser une marque avec cette performance, estime-t-il. J’espère inspirer la nouvelle génération.»
«Martien»
En contrôle de la course jusqu’à l’approche des trente kilomètres – il fallait le voir bavarder et échanger un check, tout sourire, avec un coureur brésilien un peu avant la mi-parcours –, le détenteur du record du monde (2 h01′39″ à Berlin en 2018) s’est ensuite joué de ses adversaires en deux temps. Au 28e kilomètre, sa première accélération a réduit le groupe de tête à une dizaine de coureurs.
Encore plus loin
Le trentième passé, sa seconde accélération a été fatale : personne n’a été capable de rester dans le sillage de sa foulée aérienne et de son flamboyant maillot au motif et aux couleurs traditionnels du Kenya, rouge, vert et noir. «Quand il est parti, je me suis dit «C’est un Martien», il est sur une autre planète», sourit Nageeye. «Kipchoge, c’est Kipchoge. Personne ne peut le suivre, il est tellement fort», loue Abdi.
Dissuader les badauds
Alors Kipchoge s’est envolé : d’une vingtaine de secondes à l’attaque du 35e kilomètre, il a fait grimper son avance à plus d’une minute au quarantième. Désormais quatre fois médaillé olympique en autant d’éditions (bronze en 2004 et argent en 2008 sur 5 000 m, et or du marathon en 2016 et 2020), passé aussi sous les deux heures lors d’un marathon officieux en 2019, jusqu’où ira Kipchoge ? «Le futur nous le dira, philosophe-t-il. Pour l’instant, je veux profiter de ma victoire à Tokyo.»
Environ deux heures plus tôt, le départ du marathon – qui est aussi le coup d’envoi de l’ultime journée des Jeux de Tokyo – avait été donné à 07 h 00 locales, comme prévu, sous 26 degrés et 80 % d’humidité. Des conditions un peu moins chaudes que les jours précédents, mais encore éprouvantes pour les organismes. Plus d’un quart (30) des 106 participants a abandonné. Tout au long du parcours, comme pour toutes les courses disputées à Sapporo, des dizaines et des dizaines de bénévoles, tee-shirt, casquette jaunes et pancarte autour du cou, invitaient les badauds à «se retenir de regarder» et à passer leur chemin.