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Les Bleues de la natation artistique sont définitivement sur une pente ascendante. Après trois médailles de bronze glanées aux championnats d’Europe en 2022, elles ont poursuivi sur cette lancée lors des Jeux européens en 2023. Si elles accusent toujours un retard sur leurs concurrentes chinoises, japonaises ou américaines au niveau international, le plafond de verre est en train de se fissurer, à la faveur des récents changements dans les règlements de la natation artistique, explique Julie Fabre, entraîneuse de l’équipe de France.
Comment est évaluée votre discipline dans une compétition comme les JO ?
Pendant un programme, différentes personnes assurent la notation. D’abord il y a des juges, qui évaluent deux critères. Un premier jury note l’exécution, c’est-à-dire la hauteur au-dessus de l’eau, les alignements, la similarité des mouvements… Un autre met une note sur l’impression artistique : sur la chorégraphie, la musicalité, la façon de performer des athlètes, leur attitude. Et puis il y a des contrôleurs, qui pénalisent la désynchronisation et la difficulté si jamais il y a des défaillances par rapport à ce qu’on a annoncé. Donc des contrôleurs appuient sur un buzzer chaque fois qu’ils voient une faute de synchronisation. A la fin de la performance, ça donne un malus qui va être déduit du score total. D’autres contrôleurs sont chargés, eux, de contrôler si chaque élément annoncé est bien réalisé ou pas. Si c’est bien réalisé, la note de difficulté de l’élément est multipliée par la note des juges. Si ce n’est pas bien réalisé, on applique une note de 0,5 [par défaut, quel que soit l’élément réalisé, ndlr].
C’est sur ce dernier critère d’évaluation que les règlements ont évolué ?
Oui. Il y a deux ans, un gros changement a été opéré dans la notation de la difficulté, un critère qui restait quand même assez flou, assez ambivalent. Il concerne l’ensemble des portés et figures qui se passent avec les jambes au-dessus de l’eau. Toute la difficulté a été codifiée : chaque élément réalisé vaut des points. Ce changement amène une stratégie différente d’avant : le but est de présenter des mouvements qui valent le plus de points possible, puisque ces points sont ensuite multipliés par la note des juges.
Les règlements ont-ils bougé sur d’autres points ?
Un nouveau programme acrobatique a été ajouté pour les épreuves par équipe. C’est un ballet qui doit comporter sept portés. Les portés sont classés par famille, et on doit en présenter un par famille. Sur ce ballet, on se fiche de voir les nageuses lever les jambes au-dessus de l’eau.
Cette nouvelle épreuve sourit à l’équipe de France, avec sa médaille d’or aux Jeux européens. Plus globalement, tous ces changements profitent-ils aux Françaises ?
Jusqu’à il y a deux ans, l’ouverture du classement international était quand même hyper restreinte. Cette nouvelle dynamique nous permet de remporter des médailles. Par le passé, on a été confronté à des portés qui tombaient chez des équipes au sommet du classement, et on ne voyait pas où est-ce qu’elles avaient été sanctionnées dans la note. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, elles vont forcément être pénalisées.
Vous pensez pouvoir gagner alors ?
On espère monter sur le podium, mais on ne vise pas une place précise, que ce soit pour les épreuves de duo ou d’équipe. La première place me semble difficile à atteindre parce qu’on a quand même une équipe chinoise nettement au-dessus, mais pas non plus à l’abri de rater quelque chose.
Vous disiez que le critère de difficulté était ambivalent jusque-là, ça a permis de le clarifier ?
Le plus important, c’est qu’il y a eu une prise de conscience qu’on ne pouvait plus rester dans un système reposant juste sur les notes des juges, sans évaluation précise de ce qui est réalisé dans l’eau en termes de difficulté. Ça objective et ça uniformise la notation, donc on prend un bon chemin.
Qu’est-ce que ça change pour les nageuses ?
Même si on maîtrise notre performance, on ne sait pas à l’avance quel est le score de difficulté que vont présenter nos concurrents. Ces scores, on les a généralement la veille d’une compétition. Et si on se rend compte qu’on n’a pas tapé assez fort dans ce qu’on propose en difficulté, on sait qu’on ne va pas monter sur le podium. On a jusqu’au soir qui précède la compétition pour changer notre carte de difficulté, donc on peut décider de coups de poker et se dire qu’on tente le tout pour le tout.
Quelles sont les autres qualités requises pour être une bonne nageuse artistique aujourd’hui ?
C’est un sport physiquement immonde, qui l’est encore plus devenu avec ces nouveaux règlements. Pour être une bonne nageuse artistique, il faut évidemment avoir des qualités artistiques, mais aujourd’hui, ce n’est plus ça qui domine notre sport. Ce qui domine, c’est d’être capable de faire des choses très difficiles qui demandent beaucoup de gainage, beaucoup d’endurance, beaucoup de vitesse, en étant en apnée. Il faut être capable de tourner, la tête en bas, les jambes en l’air, faire le plus de rotations possible, verticales ou à l’oblique, parce que c’est ça qui vaut le plus de points. On passe un temps sous l’eau monstrueux, en apnée active qui plus est, donc c’est terrible.