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Natation aux Jeux paralympiques 2024 : Gabriel dos Santos Araujo, le don d’onduler

Le prodige brésilien de 21 ans a remporté la médaille d’or au 100 m dos dans la catégorie S2, celle des nageurs affectés d’une «déficience grave». Fort d’un «mental de champion» et d’une coordination motrice stupéfiante, il vise le triplé aux Jeux de Paris 2024.
Le Brésilien Gabriel dos Santos Araujo, médaille d'or du 100 mètres dos en catégorie S2, jeudi à l'Arena de Paris-La Défense. (Florence Brochoire/Libération)
publié le 29 août 2024 à 17h56

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La donne est a priori impensable, injouable : nager sans bras ni jambes. C’est ce que fait Gabriel dos Santos Araujo, qui a décroché la médaille d’or, ce jeudi 29 août, au 100 m dos dans la catégorie S2, qui réunit des nageurs affectés d’une déficience grave. Conséquence d’une phocomélie, malformation congénitale, l’athlète de 21 ans, qui est né sans bras et avec de très courtes jambes, mesure 1,21 m. Dans l’eau, il ondule à la seule force de son cou, son torse et de son bassin, on se demande comment il ne se noie pas. Tout l’inverse : son moteur est d’enchaîner les longueurs, le gars est six fois champion du monde, trois fois médaillé olympique (or et argent) à Tokyo en 2021. Au pays, où on le surnomme «Gabrielzinho» (petit Gabriel), il est chéri tel un trésor national, d’ailleurs il était (avec la lanceuse de disque Elizabeth Gomes) porte-drapeau de la délégation brésilienne lors de la cérémonie d’ouverture, mercredi soir.

«Persévérer davantage»

La médiatisation croissante des Jeux paralympiques devrait internationaliser cette popularité, faire exploser son compte Instagram qui carbure pour l’heure à 54 000 abonnés. Il s’y montre souriant, dansant, tirant la langue, et parfois sérieux pour parler de handicap. Dans le documentaire A corps perdus réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, autour de six para-athlètes en lice à Paris (disponible sur France.tv jusqu’au 26 février), Gabriel dos Santos Araujo stupéfie par tout ce qu’il fait, seul : manger, conduire, jouer à la PlayStation, scroller sur son portable avec ses orteils… Une autonomie initiée et façonnée par sa mère, qui a immédiatement décidé que son fils serait comme les autres, et aurait une enfance normale. D’où la piscine, très tôt. «A 4 ou 5 ans, il savait déjà nager, même s’il n’avait pas de bras. Je crois que c’est un don qu’il a reçu de Dieu», dit l’ex-enseignante. L’entrée en compétition de Gabriel Araujo s’est faite en 2015, dans un tournoi scolaire, sur initiative d’un de ses profs.

A l’AFP, le nageur a dit ne plus compter «le nombre d’obstacles» qu’ il doit «surmonter chaque jour». «Mais cela me rend plus fort, et le fait est que tu peux être qui tu veux, quel que soit le domaine, quel que soit ton rêve ou ce en quoi tu crois.» Son entraîneur Fabio Pereira Antunes décrit un «mental de champion, […] il aime les situations difficiles» (il est servi, on trouve) et un bon combo corps-tête : «Gabriel est doté d’une grande coordination motrice et il est très intelligent, ce qui lui permet de surmonter tous ces obstacles au quotidien.» Sa mère loue son équilibre et son endurance : «Chaque fois que les gens lui ont dit non, cela lui a permis de tenir et de persévérer davantage.» Capable de nager même à contre-courant, en somme.

«J’ai failli me noyer plusieurs fois, raconte Gabriel dos Santos Araujo dans A Corps perdus. Et plus ça arrivait, plus je voulais apprendre à nager et à me dépasser.» Il explique benoîtement utiliser les parties du corps que sollicitent peu les gens dotés de bras et de jambes, «qui n’ont pas besoin du reste du corps». A Paris, également aligné sur 50 m et 100 m nage libre, il vise ni plus ni moins un triplé.

Mis à jour à 18h15 avec le résultat de la finale masculine du 100 m dos en catégorie S2.