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Que la fête commence ! Il est 9 heures dimanche et la musique rompt le silence dans les rues de Bressuire. Dans un peu plus d’une heure, la flamme olympique viendra secouer la torpeur de la ville des Deux-Sèvres, capitale du Bocage. La plupart des boutiques sont fermées pour cause de congé dominical mais le Narval Café est en pleine ébullition. Viviane aussi. Casquette des Bulls de Chicago sur la tête, cette quinquagénaire a druckérisé toute la semaine : «Vivement dimanche, vivement dimanche !» Fumant devant l’établissement, elle ajoute : «On voit la flamme partout à la télé, j’ai hâte. On ne reverra pas ça une autre fois dans notre vie.»
Depuis le 9 mai, le relais a attiré plus d’un million de personnes, massées sur le bord des routes et dans les villes, autour du chaudron qui s’enflamme chaque soir. Le patron du Narval, Emmanuel, ancien basketteur de 2 mètres, résume l’idée : «Ça amène du monde et de la vie.» Comme une étape du tour de France, sans les cyclistes. La maire sans étiquette, Emmanuelle Ménard, débarque à vélo justement., elle vient de faire le parcours «pour voir si tout allait bien !»
Comme 65 autres départements (sur 101), les Deux-Sèvres ont déboursé 180 000 euros pour que le relais passe par là. En tout, sept villes traversées et 95 relayeurs, des «gens ordinaires qui font des choses extraordinaires» comme dit le slogan du Comité d’organisation des JO qui organise le parcours jusqu’à Paris. Pour la plupart, des représentants de la société civile mais aussi des sportifs originaires du cru et quelques célébrités. Au total, la journée dans les Deux-Sèvres aura réuni plus de 43 000 personnes sur le passage de la flamme.
Vous avez été 43300 personnes hier dans les #DeuxSevres pour le #RelaisdeLaFlamme 🔥
— Préfète des Deux-Sèvres (@Prefet79) June 3, 2024
Merci aux collectivités locales, bénévoles, clubs sportifs, relayeurs, forces de sécurité, de secours et de santé mobilisés pour la réussite de cette journée historique👏
📸Crédits : Paris 2024 pic.twitter.com/NfOWwBCWzG
Ce show olympique à moins de deux mois des Jeux ne plaît pas à tout le monde. «Ça ne me fait ni chaud, ni froid, je ne serai pas venu exprès, souffle un employé de la mairie pas ravi d’avoir été réquisitionné pour la journée. Il y a de l’argent à mettre ailleurs.» La foule commence à se masser, des têtes se glissent aux fenêtres. Sébastien, enseignant venu avec sa conjointe Emilie et leur fille Maud de 10 ans, explique : «Pour la petite, c’est important de voir ce moment.» Et puis, c’est le vacarme.
Une femme grimpée sur un char de la Caisse d’épargne – l’un des deux sponsors du relais avec Coca-Cola – tente de scander quelque chose mais son micro la rend inaudible. A ses côtés, un écureuil propose de jouer au basket et des gendarmes en camionnette saluent le public façon reine d’Angleterre. «Comme ça, les délinquants peuvent aller faire des conneries ailleurs», persifle un spectateur.
«On ne la reverra sans doute pas tout de suite»
Il est 10h26. Après avoir traversé la Méditerranée à bord du Belem, débarqué en grande pompe à Marseille et parcouru 16 étapes à travers la France, la torche olympique se trouve pile devant la laverie de la place du docteur Barillet de Bressuire. Autour d’elle et de son porteur, une quinzaine de policiers en imperméables blancs et aux épaules larges jettent des coups d’œil épileptiques. C’est la «bulle» de sécurité, à laquelle participent, entre autres, des membres du GIGN chargés de parer les éventuelles attaques armées. Mais pour l’instant, le défilé olympique n’a connu aucun incident majeur en un mois.
Devant la foule massée devant l’église toute proche, le speaker de Coca s’amuse : «C’est pas le jour du seigneur, c’est le jour de la flamme olympique !» Une quinzaine de personnes brandissent des pancartes barrées d’un «Team Manon», une étudiante en médecine «qui œuvre dans le sport santé», raconte son père, fier que sa fille ait été sélectionnée parmi les 10 000 relayeurs qui porteront la flamme jusqu’au 26 juillet. «Le sport, c’est aussi le moyen d’inclure tout le monde.» Presque aussi vite qu’elle est apparue, la flamme disparaît. La fête prend la route.
Dans la rue principale de Saint-Maixent-l’Ecole, Enzo termine un tacos en attendant le relais. Dans sa bouche, ce sont les mêmes mots que toute la matinée : «historique», «unique», «fierté». Allison, 29 ans, est arrivée tôt pour installer son siège devant une camionnette d’où s’échappent des odeurs de gaufres et de chichis, un parfum de vacances dans un printemps si pluvieux. La flamme, «on ne la reverra sans doute pas tout de suite», s’amusent Hélène et Gilbert, 73 ans chacun. Le dernier passage de la flamme dans le département remonte en effet à 1992, lors des Jeux olympiques d’hiver à Albertville mais la candidature française pour les JO de 2030 dans les Alpes pourrait les faire mentir.
«Thomas, t’as du feu ?»
Au village du relais, une partie de foot (qui vire parfois au rugby) réunit 32 gamins enragés sur un mini-terrain. La foule est là : elle joue au tennis, au tennis de table ou au basket en attendant de voir la star du jour. Et de passer un bon moment ensemble. Assis sur un coffre électrique, Benoît, 40 ans, casquette sur la tête, philosophe en voyant l’avenue se remplir : «Tout le monde est content et heureux. Le sport, ça permet de donner beaucoup de joie.» Qu’il faut répandre et partager, comme pour Florence perchée sur le rebord d’une fenêtre. Son père hospitalisé lui a dit «d’aller voir la flamme», raconte-t-elle. Au pied de la Porte Châlon, un bâtiment du XVIIIe siècle, un homme hilare lance : «Thomas, t’as du feu ?»
Telle une rock star, Thomas, 18 ans, émerge tout de blanc vêtu du bus olympique qui transporte les relayeurs jusqu’à leur portion de route. On se pousse pour une photo avec le footballeur amateur et de la fameuse torche. Ses 200 mètres de course seront une formalité après un semi-marathon couru la veille, mais cette fois c’est pour l’histoire. Sélectionné par la Caisse d’épargne, il n’en revient toujours pas : «Je profite.» Un type de l’organisation lui dit de saluer des deux côtés de la route. Thomas s’exécute. La rumeur se rapproche, des «elle arrive» fusent. Il est 14h40. Un relayeur s’arrête au niveau de Thomas. C’est le moment du «torch kiss», le relais. La flamme poursuit son chemin.