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Paranatation aux Jeux de Paris 2024 : les espoirs de médailles d’Ugo Didier et Alex Portal, comme des moissons dans l’eau

Les deux athlètes de 22 ans chacun, tous les deux élèves ingénieurs, devraient briller dans les bassins paralympiques de Paris 2024, et pourraient rapporter des breloques dès ce jeudi 29 août à la délégation tricolore.
Ugo Didier aux championnats du monde de paranatation à Funchal, au Portugal, en 2022. (Octavio Passos/Getty Images. AFP)
publié le 29 août 2024 à 7h09

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Deux médailles dès ce jeudi 29 août dans l’après-midi ? L’équipe de France de paranatation peut y prétendre, avec l’entrée en lice d’Ugo Didier et Alex Portal, qui ont en commun leur âge, 22 ans, leurs études d’ingénieur, leurs airs de Harry Potter, et des palmarès qui les positionnent en potentiels couronnés de leurs catégories respectives. Né avec des pieds bots, des muscles atrophiés et sans mollets, le Toulousain Ugo Didier, licencié au Cercle des nageurs de Cugnaux (Haute-Garonne) officie dans la catégorie S9, celle des handicaps physiques les moins lourds. Il détaille : «Je ne peux pas marcher et rester debout longtemps, pas courir, pas sauter, pas faire d’efforts brutaux, pas jouer au foot. En fait, mes jambes donnent toujours l’impression qu’elles vont casser. Donc si je voulais faire du sport, il me restait la natation.»

Son entraîneur Samuel Chaillou décrypte l’équation dans l’Equipe : «Ugo n’a pas de force au niveau des jambes. Il doit compenser son manque de stabilité des genoux par autre chose. A cause d’une atrophie musculaire et de chevilles ­verrouillées, il ne peut pas pousser complètement dans les virages. Ça gêne aussi sur les battements, avec un pied qui offre plus de résistance à l’avancement… Il faut arriver à trouver des jambes qui lui permettent de s’équilibrer, si ­possible d’avancer, mais surtout de ne pas freiner.»

Alignements du corps

Ugo Didier a commencé par nager avec les valides. «A l’époque, je ne savais pas ce qu’était le handisport. Quand je l’ai su, grâce à une copine de colo, je pensais que c’était seulement pour les amputés et les fauteuils», se souvient-il. Il rejoint un club de paranatation à 14 ans. A partir de là, sa trajectoire est celle d’une fusée : il décroche à 16 ans son premier titre de champion du monde sur 100 m dos, sa nage de prédilection, devient dans la foulée bachelier (scientifique) avec la mention «très bien». Quatre ans plus tard, il rapporte deux médailles des Jeux de Tokyo, l’argent sur 400 m nage libre et le bronze sur 200 m 4 nages.

S’y ajoute de la constance : entretemps, Ugo Didier a brillé aux championnats d’Europe de Dublin, aux championnats du monde de Londres, récidivera à ceux de Funchal (Portugal) et de Manchester en 2022 et 2023 (huit médailles d’argent et une de bronze). En avril dernier à Funchal, l’élève en génie civil à l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse enrichit ce matelas rutilant de cinq breloques, trois d’or et deux d’argent.

Ces deux dernières années, en vue de Paris, celui qui aspire à établir des records mondiaux a mis l’accent sur deux aspects particulièrement décisifs quand les jambes font défaut : les alignements du corps, notamment le positionnement de la tête, et la prise d’appui de la main dans l’eau. Son principal adversaire est le Milanais Simone Barlaam. A noter que son frère, Lucas Didier, 21 ans, atteint de la même pathologie, fait aussi partie de la délégation française, en tennis de table : il entre en lice ce même jeudi, en double mixte.

Glisse hors pair

Le sport est aussi une histoire de fratrie chez Alex Portal, cette fois vécue entièrement dans les mêmes eaux. Les deux frères sont atteints d’albinisme oculaire, maladie congénitale qui les empêche notamment de voir net à plus d’un mètre et qui engendre une photophobie. Alex Portal nage dans la catégorie S13, dédiée aux personnes atteintes de déficiences visuelles les moins lourdes, et son cadet Kylian (17 ans) entre la S12 et la S13. Les Portal brothers de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) pourraient même se faire face sur le 400 m nage libre. Mais un scénario à la Abel et Cain est peu probable. Les interviews les montrent complices, et sur Instagram, la paire s’affiche dos à dos et tout sourire. Non, la présence du duo dans la même sélection «n’est pas une situation difficile à gérer, dit Guillaume Domingo, manager de la performance, parce qu’ils s’entendent très bien».

Questionnée sur la perspective d’avoir deux fils en compétition, leur mère Virginie répond ceci au site média Actu 78 : «Cela double le stress, on va dire. […] Je suis tellement contente pour eux qu’ils se soient qualifiés tous les deux. Et en plus, qu’ils aient l’opportunité de faire une course ensemble. Je suis à la fois excitée, parce que cela s’approche, et forcément un peu anxieuse, parce que j’ai envie que cela se passe bien pour eux. C’est beaucoup d’émotions mélangées. On espère donc qu’ils auront de beaux résultats.»

L’aîné, décrit surdoué, d’une glisse hors pair détectée très tôt, part avec un avantage au vu des palmarès : spécialiste du papillon et du crawl, Alex compte déjà deux médailles olympiques (argent et bronze), décrochées à Tokyo en 2021, quatre titres mondiaux en 2023, une palanquée de médailles d’argent et de bronze de niveau mondial ou européen. La jeune pousse Kylian peut se prévaloir de 4 médailles dont 2 en or aux Jeux européens de la jeunesse, et du bronze décroché sur le 400 m nage libre aux championnats du monde 2023… deux marches en dessous d’Alex. A Paris, en plus de cette discipline, Alex (qui poursuit par ailleurs ses études à l’Ecole supérieure d’ingénieurs Léonard-de-Vinci, à Courbevoie) nagera aussi le 50 m nage libre, le 100 m papillon, et le 200 m 4 nages. Quand Kylian s’alignera pour sa part sur le 100 m nage libre et 100 m papillon.