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Cela ne doit pas arriver très souvent. Par la grâce d’une audition à l’Assemblée nationale prévue de longue date, Tony Estanguet a eu l’opportunité, ce mercredi 27 mars, de déminer une nouvelle polémique sur les rémunérations des membres du Comité d’organisation des JO (Cojo) de Paris 2024 avant même la diffusion d’une émission consacrée aux «dérapages» du budget olympique. Même si Estanguet a affiché un calme olympien devant la commission des affaires culturelles et sportives, le Cojo a pris soin de préparer une heure de «questions-réponses» avec ses salariés vendredi «suite à la diffusion de Complément d’enquête».
Depuis mardi soir, l’émission d’investigation de France 2 distille des éléments de son reportage centré notamment sur les rémunérations de certains dirigeants du Cojo. L’enquête est basée sur une note budgétaire interne, envoyée en décembre au conseil d’administration du Cojo et «détaillant par le menu les dépenses du comité, notamment le budget consacré à la masse salariale globale pour toute la durée d’organisation des Jeux». Pour la période 2017-2024, cette masse salariale est estimée à 584,8 millions d’euros.
Des «experts internationaux»
Un chiffre que Tony Estanguet, particulièrement houspillé sur les salaires des dirigeants olympiques par les députés socialistes et écologistes, ne conteste absolument pas. «Les montants mentionnés de 584 millions d’euros sont corrects et cela représente 13 % du budget du Cojo, ce qui est plutôt inférieur par rapport aux derniers comités d’organisation de Jeux olympiques», a-t-il expliqué devant la commission parlementaire. Le Cojo a un budget de 4,4 milliards d’euros, composé à 96 % d’argent privé, auquel s’ajoute le budget de la Solideo, chargée de construire les ouvrages pérennes, d’environ 4,4 milliards d’euros également dont 1,7 milliard d’argent public.
Interview
Dans son reportage, Complément d’enquête indique que certains salaires ont été très fortement revalorisés fin 2023, notamment celui de la directrice de la communication olympique, Anne Descamps. Au total, l’émission calcule que la masse salariale a gonflé de 115 millions d’euros par rapport à ce qui était annoncé dans le dossier de candidature de Paris 2024. Si on veut les meilleurs, il faut mettre le prix, a argumenté en substance Tony Estanguet. «Ce qui est demandé à cette équipe, c’est de faire ce qui n’a jamais été fait dans ce pays», a-t-il défendu à l’Assemblée, vantant une direction composée «d’experts internationaux» ayant des «savoirs faire et des compétences extrêmement recherchées».
«Ce qui se pratique sur le marché»
Comme lors de la publication d’informations sur son salaire cet automne, le président du Cojo a brandi son totem d’immunité : Paris 2024 s’est doté d’un Comité des rémunérations indépendant présidé par l’ancien patron du groupe La Poste, Jean-Paul Bailly, qui a «validé une grille de rémunérations en fonction des compétences recherchées et en regard de ce qui se pratique sur le marché».
Interview
Et si la masse salariale a bougé par rapport au dossier de candidature (comme le budget olympique global), c’est parce qu’entretemps, argumente l’ancien champion olympique, quatre nouveaux sports ont été intégrés au programme et que la cérémonie d’ouverture a été programmée dans le centre de Paris, ce qui a nécessité de nouvelles embauches pour ces nouveaux dossiers. Entre 2017 et le début des Jeux, le Cojo sera passé d’une trentaine à près de 4 000 salariés.
«Pas la fête au favoritisme»
Tony Estanguet a par ailleurs expliqué que les augmentations dénoncées par Complément d’enquête étaient pour partie des revalorisations pour suivre l’inflation. Qu’elles avaient bénéficié «en priorité aux bas salaires et pas aux grands dirigeants» et qu’il y avait, en effet, eu des réajustements récents pour respecter l’égalité femmes-hommes et «mettre en place les bonnes pratiques en matière de politique salariale».
La députée socialiste Claudia Rouaux, membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée et membre du fameux Comité des rémunérations du Cojo, a participé à l’émission Complément d’enquête. Elle parle de hausses de salaire «pour la majorité entre 7 et 10 % […] mais certains font carrément des bonds de 15 000 euros sur un an… D’autres se voient augmenter de 32 000 euros supplémentaires… Il y a même une directrice de la communication qui voit son salaire passer de 150 000 à 195 000 euros annuels ! Vous vous rendez compte ?» «Il y a beaucoup de pression sur vos épaules, je les espère donc aussi solides que celles des athlètes qui se préparent pour les Jeux de Paris mais force est de constater que notre confiance s’effrite au fil des polémiques, a tonné ce mercredi le député écologiste Jean-Claude Raux. Les JOP doivent être une fête mais pas la fête au favoritisme ou à l’argent public versé par les fenêtres.»
Même marginales, mêmes encadrées, ces révélations tombent mal au moment où le Cojo semble avoir des difficultés à boucler son budget. Il a notamment demandé à la région Ile-de-France si elle pouvait prendre en charge financièrement les déplacements de 200 000 accrédités (athlètes, officiels, journalistes…), soit un budget d’un peu moins de 10 millions d’euros. Et, pour des raisons de coûts, le centre de presse pour les Paralympiques sera finalement installé au siège du Cojo et non au centre aquatique olympique.