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Ils ne sont pas totalement manchots en mise en scène, politique et médiatique. En trois petites journées, d’une interview au Parisien à une conférence de presse à Bobigny en passant par un briefing organisé à la va-vite un lundi soir, la mairie de Paris et le département de la Seine-Saint-Denis ont réussi à préserver leurs quotas de billets gratuits pour la future cérémonie d’ouverture des JO. Et à ancrer l’idée qu’ils étaient les garants d’une fête ouverte à tous face à l’Etat.
Le défilé sur la Seine au soir du 26 juillet donne des sueurs froides à tout ce que l’appareil d’Etat compte de responsables de la sécurité, Gérald Darmanin en tête. Imprudemment annoncée à 600 000 spectateurs par un Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) dopé aux endorphines, la jauge du spectacle son et lumière composé de plus de 170 bateaux a été rabotée à 326 000 en tout : 104 000 spectateurs payants sur les quais bas et 222 000 spectateurs gratuits sur les quais hauts. Soit l’équivalent de quatre Stade de France.
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Devant l’impossibilité (technique mais aussi démocratique) de «cribler» tout le monde, c’est-à-dire de vérifier en amont l’identité et le parcours des agents, des volontaires et des spectateurs pour écarter d’éventuels dangers, l’idée a ensuite germé d’une cérémonie qui resterait gratuite pour les deux tiers mais à laquelle on viendrait sur invitation. Invitations distribuées par des «tiers de confiance» : l’Etat, le Cojo de Paris 2024, la mairie de Paris pour 35 000 personnes, 75 000 pour les autres collectivités locales et le mouvement sportif. Et 25 000 de plus pour la capitale à distribuer aux «publics impactés» par la cérémonie, que ce soit des riverains de la Seine, des étudiants obligés de rendre leur chambre universitaire, des bouquinistes, des commerçants ou des agents de la ville.
Une cérémonie «la plus ouverte possible»
Une bonne vieille usine à gaz, qui sauve le caractère unique de la cérémonie mais extrêmement complexe à mettre en œuvre. Car, comment s’assurer que les billets gratuits ne soient pas des renvois d’ascenseur clientélistes ? Qu’ils soient distribués aussi à ceux qui n’ont ni réseau ni argent pour se payer des billets pour les Jeux de Paris ? Et que les invités viennent bien le jour J pour qu’on ne se retrouve pas avec des quais clairsemés quand deux milliards de téléspectateurs seront branchés sur cette parade fluviale en cinémascope ?
Sans que l’on comprenne bien ce qui se tramait concrètement, il a été question ce week-end de «rumeurs», de «questionnements» et de «flottement» au sommet sur la répartition des billets gratuits, ce qui est venu alimenter l’idée d’une reprise en mains par l’Etat, soupçonné de vouloir mettre son nez dans toutes les listes des futurs invités. Mais probablement aussi à la manœuvre pour se ménager une porte de sortie. «Plus l’Etat récupère des places à sa main, plus il peut faire baisser la jauge en y renonçant si les menaces de sécurité s’accentuent», décrypte un acteur du dossier. Il n’empêche, tonne-t-on à l’Hôtel de ville, «cela fait six semaines qu’on travaille sur le sujet, le cadre de travail est stabilisé et à cent jours de la cérémonie l’Etat voudrait revenir sur ce cadre-là ? On estime que ce n’est pas sérieux.»
D’où l’opération «il faut sauver les Jeux populaires», lancée par Paris et la Seine-Saint-Denis. «On a alerté juste sur le fait qu’on avait un accord et qu’il fallait la cérémonie la plus ouverte et populaire que possible», plaide Pierre Rabadan, adjoint d’Anne Hidalgo chargé du Sport et des JO, pas mécontent de ce bras de fer engagé sur des «valeurs». Car la mairie a identifié les «publics» prioritaires à ses yeux pour la fête du 26 juillet : les habitants des «quartiers politique de la ville», ceux qui ne partent pas en vacances l’été, les jeunes sportifs inscrits dans les fédérations parisiennes et les agents de la ville. Les listes sont même «déjà stabilisées» selon Rabadan, via les fichiers des familles mettant leurs enfants en centre de loisirs l’été, entre autres.
«Billetterie populaire»
Le président de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, ont embrayé, réclamant plus de places gratuites pour les habitants du département, l’un des plus pauvres et des plus jeunes de France, dont les habitants subissent depuis six ans les nuisances liées aux travaux de construction d’infrastructures et de transports pour les JO.
«Depuis quelques jours, ça discute beaucoup, a confirmé Troussel ce mardi 26 mars lors d’une conférence de presse à Bobigny. Mais après tous ces échanges, je peux vous dire qu’au final la Seine-Saint-Denis disposera de 13 % de l’ensemble des billets pour la cérémonie d’ouverture» soit 28 000 billets en tout. Qui viennent s’ajouter aux 150 000 tickets gratuits (offerts par le Cojo ou achetés par le département, la métropole ou la région) pour assister cet été aux épreuves olympiques et paralympiques. Ils seront proposés aux habitants via une «billetterie populaire». Pour la cérémonie comme pour les compétitions, «on voulait faire taire l’idée que ce seraient les Jeux olympiques de l’entre-soi», savoure Mathieu Hanotin après avoir remercié «l’Etat bien sûr mais surtout la ville de Paris».