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Paris 2024 : l’escrime française ou l’art de se tirer un coup d’épée dans le pied

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Alexandre Bardenet conteste sa non-sélection pour les Jeux devant le Comité national olympique. Un épisode qui alourdit un peu plus une ambiance délétère plombant l’équipe de France masculine d’épée, parmi les favorites aux JO.
L'épéiste français Alexandre Bardenet lors des Jeux européens de Cracovie-Malopolska, en Pologne, le 30 juin 2023. ( Jean-Marie Hervio/KMSP. AFP)
publié le 7 juin 2024 à 12h52

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Mais jusqu’où s’arrêteront-ils ? Coluche massacrait, volontairement, la grammaire mais l’expression a fait florès. On ignore si les hiérarques de la Fédération française d’escrime ont compilé les formules de l’humoriste en salopette, mais sans doute sont-ils dans la même interrogation inquiète concernant les membres de l’équipe de France d’épée retenus pour les Jeux et Alexandre Bardenet, non convié pour le raout olympique. Il conteste sa non-sélection et peut arguer du soutien de… deux des quatre tireurs olympiques. Enième épisode d’un conflit qui pourrit les relations entre les épéistes et leur Fédération.

Au commencement de l’histoire, il y a un trio : Yannick Borel, Romain Cannone et Alexandre Bardenet. Les trois hommes ont remporté ensemble les championnats du monde par équipes en 2019 et 2022. Borel a été champion du monde individuel en 2018 et Cannone est champion olympique en titre. Du lourd donc. En conflit ouvert avec leur entraîneur, Hugues Obry, ils ont eu la peau de ce dernier, contraint à la démission. Leur rapport avec Gauthier Grumier, successeur d’Obry, est également compliqué. En position de force, Borel, Cannone et Bardenet, numéros 1, 2 et 3 des épéistes français au moment de la sélection, n’hésitent pas à déserter l’Insep où sont censés se regrouper tous les escrimeurs français, pour s’entraîner dans leur club.

Coups bas

Logiquement, au moins dans leur esprit, Borel, Cannone et Bardenet devaient jouer reconstitution de bande gagnante cet été à Paris. Sauf que Bardenet ne se retrouve pas dans la liste des cinq épéistes (quatre titulaires et un remplaçant) retenus pour les Jeux par le comité de sélection le 28 mai. Borel et Cannone y sont, aux côtés de Luidgi Midelton et Paul Allègre. La logique purement sportive n’est pas respectée. La Fédération s’en explique : son règlement ne lui impose qu’un choix, celui du numéro 1 au classement interne (Borel, donc), un comité de sélection dispose de son libre arbitre pour les quatre autres membres.

Alexandre Bardenet accuse le coup, puis réagit deux jours plus tard sur ses réseaux sociaux, dénonçant des coups bas. Jeudi 6 juin l’Equipe révèle qu’il contre-attaque officiellement. Il s’est attaché les services d’un avocat pour contester sa non-sélection devant le Comité national et olympique sportif français (CNOSF): c’est désormais la conférence des conciliateurs du Comité de trancher. La Fédération d’escrime peut s’opposer à sa décision. Le cas échéant, Bardenet aurait alors la possibilité de former un recours devant le tribunal administratif. Interrogé par le quotidien sportif, Me Joan Roche s’insurge : «Le choix du comité de sélection est subjectif et scandaleux. Les athlètes n’ont pas connaissance des règles claires sur la base desquelles ils seront sélectionnés. C’est un choix sportif qui ne devrait être guidé que par l’objectivité, la rationalité et l’équité. On en est loin.» Borel et Cannone montent au créneau pour soutenir leur (ex ?)-coéquipier.

Comment, pour Bardenet et son avocat, contester devant le CNOSF un choix assumé comme subjectif par le comité de sélection ? Comment faire valoir pour Bardenet, l’impression tout aussi subjective, que du trio de frondeurs, il a servi de fusible : Borel était automatiquement sélectionné, Cannone était difficilement écartable en tant que champion olympique, le glaive vengeur et le bras séculier (pour citer Audiard après Coluche) de la fédération auraient sacrifié Bardenet ? Reste des vices de forme dans la procédure de sélection, qu’entend plaider Me Roche. Après tout, la Fédération française a bien subi un camouflet pour une telle raison lors du choix de l’équipe de sabre…