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Libération
Reportage

«Pouvoir leur donner la flamme» : les supporteurs en situation de handicap rêvent au rythme des Jeux paralympiques

Au Club France, les fans handicapés, venus de tous les horizons, admirent et vivent l’engouement autour des Jeux de Paris 2024, en espérant qu’ils favoriseront sur le long terme l’inclusion et la pratique du handisport.
Le badiste champion olympique Charles Noakes se fait acclamer au Club France, à Paris le 3 septembre 2024. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
par Léa Warrin
publié le 4 septembre 2024 à 17h57

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Sous les charpentes métalliques de la Grande Halle de la Villette à Paris, ils sont des centaines à être accoudés au bar ou assis par terre pour suivre les exploits des sportifs. Les yeux rivés sur le grand écran du Club France, ils scrutent en direct le match de cécifoot remporté par les Bleus contre la Turquie, mardi 3 septembre. Mascottes et drapeaux tricolores accompagnent Sabine, 53 ans, et son fils Léo, 21 ans. Tous deux atteints d’un handicap, ils sont aux premières loges pour suivre les célébrations. «Nous avons suivi de près les Jeux olympiques puis les Jeux paralympiques, nous sommes allés voir plusieurs épreuves en famille. Les sites sont mythiques. Ils sont parfois difficilement accessibles, mais ici au Club France tout est fait pour que l’on puisse vivre avec ferveur cet événement», témoigne Sabine, les yeux rivés sur l’écran. Soudain, un but pour l’équipe de France : loin du silence des tribunes de cécifoot (imposé au public pour ne pas gêner les joueurs), Sabine et son fils se sourient et crient de joie, au diapason de la foule. Une ivresse qu’ils partagent et qui va au-delà de la célébration de l’exploit sportif : ils y voient un signe d’inclusion, de solidarité et d’espoir.

«Se sentir représentés»

Coiffé d’une Phryge, Léo est «au paradis». Il pratique lui-même de nombreux handisports tels que le football, le tennis ou le karaté. Devant la compétition, il s’autorise à rêver : «Je veux participer aux Jeux… Mais ce que je veux surtout, c’est être porte-drapeau», raconte-t-il en tenant fermement le manche en plastique de sa bannière tricolore. La lumière diminue, les projecteurs se braquent sur le podium, la liesse commence. C’est l’heure de la célébration, soit l’arrivée des médaillés de la veille. Il est 21h45, Léo tend la main pour toucher du doigt les athlètes de parabadminton : Lucas Mazur, médaillé d’or en simple (SL4) et de bronze en double avec Faustine Noël, également présente, et Charles Noakes, lui aussi champion paralympique (SH6).

Même entrain pour Noa et Mélène, 15 ans. Les deux amis se sont rencontrés à travers la pratique du handisport : l’un fait de la voile, l’autre de la natation, tous deux à Brest. Ils font partie des 24 envoyés de l’association Ambassadeurs handisport : ils participent à des formations dans lesquelles on leur apprend à parler du handicap et à prôner les valeurs du sport et de l’inclusion. Marinières aux couleurs de l’association sur les épaules, leur visite à Paris consacre un parcours de deux ans : «Après avoir rencontré tous les autres ambassadeurs et découvert leurs histoires, on peut se sentir représentés en voyant les athlètes paralympiques. C’est important et on se dit qu’on a tous un peu le même quotidien», se réjouit Noa. Cette soirée à Paris, au cœur des festivités, n’est pas non plus seulement un moment de célébration pour les deux adolescents. Elle leur offre un rêve partagé : celui d’une inclusion complète où le sport devient un vecteur d’égalité et de reconnaissance.

Après la célébration, Sabine, pensive, analyse : «Ce n’est pas le fait qu’ils soient tous handicapés qui est important, c’est vraiment la performance qui compte. Sinon on est dans le pathos. Ce sont des gens comme les autres, avec des parcours différents et qui font des choses superbes.» Un exemple qu’elle imagine être constructif pour son fils. C’est aussi le constat que fait Hermann, 46 ans. Le Suisse, ancien athlète handisport et désormais coach en basket fauteuil et en lancer du poids, est venu participer à «cette grande fête». «L’organisation est super, la fête est belle, il y a les médailles. C’est tout ce qui compte, je ne fais pas de différence entre les Jeux olympiques et paralympiques en ce sens», dit-il.

«Visibilité sur le sujet du handicap»

Ce qui séduit Yanis et Angelo, 15 et 16 ans, c’est aussi le constat d’une société qui «semble avancer» : «Ça fait chaud au cœur de voir autant de monde au Club France, parce que le handisport commence à gagner du terrain. En arrivant, j’ai eu l’impression qu’on était aux Jeux olympiques tellement il y avait de monde, je suis content de voir que ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on ne peut pas être aimé par les gens», se rassure Yanis.

Le regard posé sur cette rangée de jeunes enjoués, Hermann prend de la hauteur : «C’est le moment d’avoir une visibilité sur le sujet du handicap, et on espère qu’à travers ces Jeux, les autorités puissent s’emparer de la problématique du handicap et améliorer les logements, l’accessibilité, la possibilité d’avoir du matériel adéquat.» Les sourires se dessinent quand les bénévoles se mettent à crier les noms des badistes au rythme de la musique. Il ajoute : «Le but de ces jeux, c’est aussi de pouvoir faire rêver les jeunes, de pouvoir leur donner cette flamme et leur montrer qu’il existe des organismes au sein desquels ils peuvent pratiquer le sport, et pourquoi pas devenir des champions, qui sait ?»