Depuis septembre 2019, Libération suit le vice-champion du monde dans une marche vers les Jeux de Tokyo que n’a pas interrompue leur report.
Peu importe la taille, le poids, l’aptitude du corps à résister et s’adapter à des efforts très intenses et prolongés : le Covid-19 s’attaque à tout le monde. Même les athlètes, pourtant dotés d’une santé de fer, se font rattraper par le virus. Pour une grande majorité, ils restent asymptomatiques, mais certains en souffrent avec les symptômes typiques (fièvre, courbatures, etc.). C’est le cas de Quentin Bigot.
«Le pire, c’était la fièvre»
«C’était fin mars, je me suis levé un matin, j’avais le nez qui coulait, je n’avais pas de température mais je me sentais fatigué. J’ai pensé à un petit rhume. Le lendemain matin, j’avais la même sensation de fatigue, je me suis quand même entraîné, mais là c’est le dernier moment où je me suis senti à peu près bien, car 24 heures après j’ai été pris par une grosse fièvre tout en ayant froid, retrace Bigot. Grosse fièvre, nez qui coule, le mal à la gorge est arrivé par-dessus. Mais le pire c’était la fièvre, j’avais du mal à me lever de mon lit. Pendant sept jours, j’étais cloué. Je n’ai pas eu tout de suite de problèmes pulmonaires mais quand j’ai pu me lever de mon lit, donc au bout d’une semaine de fièvre, j’ai senti que j’étais essoufflé assez vite au moindre effort.» Bigot a fait appel à un médecin, en plus du médecin de la fédération qui l’a suivi à distance presque quotidiennement après un test PCR positif. «Je n’en ai pas fait d’autres : j’ai suivi les consignes de la Sécurité sociale qui, à ce moment-là, étaient de se mettre à l’isolement pendant 10 jours, ensuite, si les symptômes avaient disparu, on était considéré comme guéri.»
Comme pour des millions de Français, s’isoler pour essayer de ne pas transmettre le virus à ses proches a été un problème. D’autant que Quentin Bigot est devenu père en décembre dernier : «J’ai essayé de prendre mes distances avec mon fils. On ne sait pas très bien comment se comporter en ces circonstances, mais bon, finalement tout s’est bien passé pour lui. On savait que les enfants sont moins attaqués par le Covid. On a fait le possible pour le protéger, sans psychoter non plus. Par contre, chose que je trouve toujours incroyable, ma compagne Alexandra n’a pas été infectée. Elle a fait deux tests, tous les deux négatifs. Moi-même je ne sais pas où j’ai été contaminé», raconte l’athlète.
Un stress de plus
Le lanceur a repris une vie «normale» après neuf jours, en suivant un protocole dicté par le médecin de la Fédération Française d’athlétisme : «C’est un parcours sur quinze jours. On doit recommencer très très progressivement en termes d’intensité cardiaque et de force. On a suivi ça à la lettre. En ce moment de reprise, c’est important de n’avoir plus aucun symptôme, ni sensation bizarre. Le premier jour, j’ai fait dix lancers, à très faible intensité. Ensuite j’ai fait une peu de musculation. La première semaine a été à l’enseigne de la facilité», détaille Quentin Bigot qui, au mois d’avril, une fois rétabli, a pris la route de Vittel, non pas pour se refaire une santé grâce aux eaux thermales mais pour un stage au centre de préparation olympique : «Avant de choper le Covid, j’étais super en forme, après j’ai dû recommencer à zéro. Là Pierre-Jean [Vazelle, son entraîneur, ndlr] a été un support fondamental en me rassurant : la saison olympique n’était quand même pas compromise par cet épisode !»
Les performances s’améliorent lentement pendant les deux semaines de stage, puis elles ont continué à progresser après le retour au bercail. «J’étais soulagé. D’une certaine façon c’était le bon moment pour attraper le virus. Plus tard, il aurait vraiment impacté la préparation olympique, explique le lanceur. Le Covid c’était très dur physiquement mais cela a pesé aussi sur le plan psychologique, on se demande quand on pourra en sortir. Quand j’étais alité, je ne pouvais même pas lire ou regarder un écran, j’avais du mal à me lever et aller aux toilettes.» Sa propre maladie a changé la vision de la situation globale de Quentin Bigot : «J’avais conscience qu’on était dans un bourbier mondial incroyable. Les symptômes que j’ai eus n’ont rien d’anodin et sur quelqu’un de faible ou avec des problèmes de santé cela peut devenir très dangereux.»
Les précédents articles de la série let’s JO avec Quentin Bigot
#1 Quentin Bigot, son marteau, son passé, son coach, sa médaille ; #2 La solitude du lanceur de marteau ; #3 En train au travail ; #4 «On ne sait pas quand on pourra reprendre la route du stade, la normalité» ; #5 Le marteau bien confiné ; #6 Le marteau relancé ; #7 Comme un lanceur en cage ; #8 On se ferait pas une petite vidéo de marteau ? ; #9 Pierre-Jean Vazel, un coach autodidacte
«A cause du Covid on a dû renoncer à la coupe d’Europe, le 8 mai à Split. Il valait mieux faire l’impasse sur cette compétition, pour pouvoir être mieux plus tard, expose Bigot. La ligne est désormais tracée au moins jusqu’aux championnats de France fin juin. Cette semaine, je dois aller au meeting de Halle en Allemagne mais on ne sait pas encore si les étrangers pourront y prendre part. Autrement, ma première compétition pourrait être le 22 mai à Andujar dans le sud de l’Espagne.» En ces temps pandémiques, le conditionnel s’impose.