Et si cinq des six médailles tricolores acquises en boxe lors des JO de Rio 2016 étaient retirées à la délégation française ? On n’en est pas encore là, mais un rapport britannique sur le point d’être publié laisse supposer qu’entre sept et onze combats disputés il y a cinq ans au Brésil, toutes catégories confondues, auraient fait l’objet de manipulation de la part des juges, selon des informations révélées par les quotidiens britanniques The Guardian et le Daily Mail.
Parmi ces rencontres entachées d’une possible tricherie, plusieurs concernent des matchs qui ont abouti à des médailles françaises (deux d’or, deux d’argent, deux de bronze). A commencer par les finales remportées par Tony Yoka face au Britannique Joe Joyce (+91 kg), et par Estelle Mossely contre la Chinoise Junhua Yin (-60 kg).
Y figurent également les succès en demi-finales de Sarah Ourahmoune et Sofiane Oumiha, respectivement médaillés d’argent en -51 kg et -60 kg, et la victoire en quart de finale de Souleymane Cissokho, qui avait glané le bronze en -69 kg. Des six responsables de cette moisson historique pour la boxe française, seul Mathieu Bauderlique, médaillé de bronze des mi-lourds (-81 kg), n’est pas mentionné dans cette enquête.
Onze «combats suspects»
«Nous ne connaîtrons jamais l’étendue réelle du nombre de combats manipulés à Rio», avertit d’emblée le juriste canadien Richard McLaren, spécialiste des investigations dans le sport (c’est lui qui est à l’origine des révélations sur le dopage d’Etat en Russie), dans son rapport d’étape de 150 pages sur la boxe.
McLaren et son équipe d’enquêteurs chez Harod Associates ont passé les trois derniers mois à examiner des jugements suspects après une demande de la fédération internationale de boxe amateur (l’Aiba). Son équipe a confirmé l’existence – soupçonnée depuis des années – d’un «système» de tricherie orchestré au sein de l’Aiba, et a identifié par une méthode statistique onze «combats suspects» lors du rendez-vous olympique auriverde.
Le rapport McLaren n’accuse ni les boxeurs ni leur entourage d’être intervenus directement pour peser sur les combats, mais dévoile un vaste système d’influence piloté au sommet de l’Aiba, alors dirigée par le Taïwanais Ching-Kuo Wu.
L’enquête met particulièrement en cause le Français Karim Bouzidi, ex-directeur exécutif de la fédération. Fait très surprenant à l’époque : il avait été limogé trois jours avant la fin des Jeux. Il y a deux ans, Bouzidi avait déjà été soupçonné de s’être entendu avec les juges-arbitres les plus réputés (labellisés «cinq étoiles» et censés rehausser le niveau de l’arbitrage) pour favoriser certains pays.
Passif olympique houleux
Le rapport ne va pas aider à redorer l’image – désastreuse – de la boxe sur la scène olympique ces dernières années. La discipline avait bien failli être exclue en amont des Jeux de Tokyo, précisément en raison de son passif houleux. La boxe française est encore hantée par les défaites cruelles d’Alexis Vastine lors des olympiades de Pékin 2008 et Londres 2012. Surtout, l’ancien président de l’Aiba, l’Ouzbek Gafour Rakhimov, a pendant longtemps été dans le viseur du Comité international olympique (CIO), soupçonné d’avoir rétribué des juges afin d’influencer les combats de boxeurs de son pays.
A Tokyo, plusieurs combats ont donné lieu à des polémiques et autres moments d’incompréhension. Côté français, le huitième de finale perdu sur décision arbitrale par Sofiane Oumiha avait interloqué le clan tricolore, tandis que son compatriote chez les +91 kg Mourad Aliev était resté de longues minutes après sa disqualification en quarts face au Britannique Frazer Clarke, qu’il avait qualifié de «vol» après plusieurs décisions arbitrales plus que litigieuses.
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