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Elles ont regardé la Seine comme si de rien n’était. Elles ont resserré leurs lunettes, se sont approchées du bord du ponton flottant, éphémère et bleu en contrebas du pont Alexandre-III, faisant office de ligne de départ et à 8 heures pétantes, les 56 participantes du triathlon féminin ont plongé dans le fleuve après des mois de flottements sur la qualité des eaux. Les résultats des derniers tests reçus à 3 h 20 du matin étaient enfin conformes aux critères édictés par la fédération World Triathlon.
Vu les orages de la nuit et l’averse qui arrosait les sportives au départ, il s’agissait sûrement de l’unique fenêtre de tir dont disposaient les organisateurs. Il faut à peu près une quinzaine d’heures entre les relevés d’eau et leurs résultats. Il y en aura donc après cette nuit, de nouveau très pluvieuse après un printemps et un début d’été noyés sous la flotte. Mais pour l’heure, triathlètes femmes puis hommes ont pu effectuer leurs deux boucles de 750 mètres dans les eaux tumultueuses. Et les Français en sortent médaillés. D’or pour Cassandre Beaugrand, de bronze pour Léo Bergère.
Mais ce n’est pas à cause d’un truc qu’elle aurait ingurgité dans la Seine que Cassandre Beaugrand a vomi avant la course. Ça ne lui était jamais arrivé, jure la Française après avoir remporté la course, à quelques encâblures du dôme des Invalides, fournissant un nouveau lot d’images historiques. Mais là, à Paris, à domicile, le stress de l’échéance était trop grand : «J’étais en panique totale.» Ce qui ne l’a pas empêchée de réaliser la course qu’elle avait imaginée un nombre incalculable de fois. Celle où la Française de 27 ans déboule seule entre les quatre statues dorées du pont, le public en transe, la concurrence à ses trousses. Sûre d’elle, elle a franchi la ligne sans même se retourner.
«Soulagement»
Pour Cassandre Beaugrand, c’est un double «ouf». Celui du résultat : elle se savait pronostiquée pour l’or, après une nouvelle saison à truster les podiums. Mais il y a le soulagement d’avoir pu prendre part à une course pour laquelle elle se prépare depuis des années. Toute une vie, en fait. Elle souffle n’avoir «jamais douté» de la tenue de l’épreuve dans la Seine malgré un feuilleton qui dure depuis l’été dernier sur la «baignabilité». Et qu’elle n’a jamais cru au scénario d’une épreuve ramenée à deux disciplines et non trois pour cause d’eaux pas assez propres. «Franchement, quand on parlait de duathlon, je me suis dit : “C’est pas notre sport.” Ça aurait été dégueulasse, honteux. Je suis contente qu’on l’ait fait. Heureusement parce que je ramène une médaille», jubile la toute première championne olympique tricolore de l’histoire de la discipline en individuel. L’an dernier, à l’occasion des test-events, ces essais grandeur nature avant un événement international, «ça s’était très bien passé. On a déjà nagé dans des eaux bien pires», promet Beaugrand.
Ce mercredi matin, «l’eau était bonne», a assuré la championne olympique déchue, la Belge Flora Duffy. «Pour être honnête, c’était la dernière chose à laquelle je pensais quand j’étais dans l’eau», certifie la Britannique Kate Waugh, pour qui courir fut tout de même «un soulagement». A côté près de la ligne d’arrivée, la Chinoise Xinyu Lin balbutie avoir confiance envers les organisateurs «sérieux à propos de la qualité de l’eau». «Je me sens bien, ne vous inquiétez pas, je suis OK», rassure-t-elle. Puis se marre : «Je ne suis pas en train de mourir.»
Reste que les trombes nocturnes ont gonflé un peu plus la Seine, renforçant son débit et les courants sur la partie retour de la boucle aquatique. Ce qui a pu favoriser les meilleures nageuses comme… Cassandre Beaugrand. Mais même pour la tricolore médaillée, ce fut «très dur avec le courant. Je ne m’attendais pas à être emportée tant que ça. Si je peux aller donner un conseil aux garçons avant leur course…» Trop tard : au même moment, ils plongeaient à leur tour dans les eaux du fleuve. Enfin.