Menu
Libération
Décryptage

JO 2024 : D’où viennent-ils ? Combien gagnent-ils et que deviennent-ils ? Portrait-robot du sportif français de haut niveau

JO Paris 2024dossier
L’image de l’athlète de haut niveau charrie un certain nombre d’idées reçues. Une étude de l’Observatoire de l’économie du sport du groupe BPCE dresse son profil type.
La liste officielle du ministère des Sports recense 5 000 sportifs de haut niveau, sélectionnés pour leur performance lors de grandes compétitions, dans tous les sports – hors joueurs pros du foot ou du rugby. (Oleg Breslavtsev/Getty Images)
par Loraine Bourget
publié le 4 août 2024 à 8h16

Ils sont une poignée, peut-être une vingtaine, les athlètes français pouvant prétendre au rang de superstar. Pourtant, derrière Teddy Riner ou les Manaudou, ce sont plus de 5 000 sportifs de haut niveau (SHN) que recense la liste officielle du ministère des Sports, sélectionnés pour leur performance lors de grandes compétitions, dans tous les sports – hors joueurs pros du foot ou du rugby. A partir d’une étude de l’Observatoire de l’économie du sport du groupe BPCE, qui a interrogé 500 d’entre eux, Libération dresse un portrait-robot de cette élite méconnue du sport français.

Le sportif de haut niveau est un amateur

Le qualificatif tranche avec l’idée qu’on se fait de nos athlètes d’élite. Pourtant, promis, il ne dit rien de leur niveau, seulement de leur statut. Ainsi, 9 SHN français sur 10 sont des étudiants ou ont une activité professionnelle (non sportive) en parallèle de leur sport, et ne sont donc pas considérés comme des sportifs professionnels. Un sportif de haut niveau, ce pourrait donc être votre voisin à la pause déjeuner. Si au boulot tout roule, avec deux tiers des athlètes qui disent concilier «facilement» leur vie professionnelle et leur vie sportive, c’est plus compliqué pour les étudiants, dont 59 % s’estiment en difficulté. Malgré tout, ils sont près de 7 sur 10 à suivre des études supérieures longues, grâce à toute une batterie de dispositifs d’aménagement dont ils sont une majorité à bénéficier : éducation à distance, horaires aménagés, etc. «Pouvoir faire des études, même à son rythme, c’est un plus dans l’épanouissement personnel de l’athlète…» estime l’un d’eux dans l’étude.

Le sportif de haut niveau ne roule pas sur l’or

C’est un des clichés sur les sportifs de haut niveau les plus ancrés, et aussi, comme souvent avec les clichés, l’un des plus faux. Bien loin du train de vie luxueux qu’on leur imagine, nombre de SHN font plutôt état d’une situation financière «difficile», avec 48 % qui touchent moins de 1 000 euros par mois, et seuls quelque 9 % plus de 3 000 euros. On est donc loin de l’aisance générale. En plus de leur autofinancement, «l’essentiel des revenus [des sportifs] est le soutien de leur famille et un peu des financements de leur club», explique Alain Tourdjman, directeur des études et prospectives de BPCE, à Libération. Les récompenses des compétitions, elles, ne rapportent pas beaucoup : seuls 20 % des athlètes les citent comme source de financement de leur carrière.

A cela s’ajoute, «le coût de leur sport, qui peut être très important par exemple pour tout ce qui est aérien ou nautique, quand il y a besoin de matériel, ou quand il faut se déplacer dans d’autres pays». Un coût qui, pour 50 % d’entre eux, s’élève effectivement à plus de 500 euros par mois. Et quand bien même ils disposeraient de revenus suffisants, ceux-ci sont irréguliers car ils dépendent largement de leur forme physique, de leurs contrats et de leurs sponsors. L’entrecôte recouverte d’une feuille d’or, comme celle de Ribéry, n’est donc pas chose commune.

Le sportif de haut niveau a le sens de la famille

Derrière le mental de dur à cuire qu’on leur connaît, il y a un petit cœur tout mou. Les sportifs de haut niveau privilégient, au premier rang, les membres de leur famille. C’est dans la plupart des cas l’un d’entre eux qui les a jetés dans le grand bain du sport : près d’un tiers des athlètes de haut niveau compte au moins un autre sportif de haut niveau dans leur entourage et 79 % affirment avoir grandi dans un milieu familial où le sport est «important». C’est souvent un parent qui les a orientés vers leur discipline phare (48 %) et leur soutien infaillible figure très haut dans le classement des facteurs de réussite, selon les sportifs interrogés. Pour autant, la famille est aussi une des premières victimes des carrières sportives. De cœur tout mou à cœur de pierre, il semblerait qu’il n’y ait qu’un pas pour nos athlètes, qui sont 60 % à annoncer avoir renoncé à une «vie familiale ordinaire» et 31 % «mis de côté» leurs histoires d’amour.

Le sportif de haut niveau n’a ni pierre philosophale ni boule de cristal

Sans boule de cristal, nos athlètes doivent cependant se débrouiller tout seul pour imaginer l’après. Sensibles au vieillissement, éternel ennemi des sportifs, 75 % des sondés affirment réfléchir à leur reconversion professionnelle. Ils sont d’ailleurs nombreux à compter sur leur carrière sportive pour y arriver, en s’orientant vers des métiers liés (42 %), mais surtout grâce aux qualités qu’ils ont acquises via leur parcours (73 %) : gestion du stress, persévérance, discipline… Pour autant, le parcours ne s’annonce pas simple, une part non négligeable d’entre eux estimant ne pas être suffisamment accompagnés dans leurs démarches, notamment du point de vue financier. Aussi, c’est dans cette optique que les jeunes SHN choisissent de poursuivre leurs études : 84 % y voient une «manière de préparer l’avenir», 50 % une «source d’équilibre», 13 % seulement une passion.

Mais derrière ces grandes lignes, il serait erroné de croire à une élite sportive uniforme. La liste des SHN regorge de profils différents, comme le souligne le groupe BPCE qui les range en quatre grands types : les «équilibrés» (19 %), les «éprouvés» (22 %), les «ambitieux» (28 %) et les «prometteurs» (31 %).