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Racisme

JO de Paris 2024 : en football, un France-Argentine lourd de tensions

JO Paris 2024dossier
Les Bleuets de Thierry Henry retrouvent en quart de finale l’Albiceleste, pointée du doigt par la communauté du football pour leur chant raciste contre la France entonné dans un bus de la sélection mi-juillet.
Les joueurs argentins après leur victoire face à l'Ukraine 2-0, le 30 juillet 2024, à Décines. (Laurent Cipriani/AP)
publié le 2 août 2024 à 6h32

A Tokyo en 2021, les Bleuets avaient disputé leur tournoi olympique non pas contre les sélections qui leur avaient été opposées, mais contre tout le foot français. A savoir les clubs hexagonaux de Ligue 1 comme de Ligue 2, rivalisant de mauvaise volonté pour libérer leurs joueurs en envoyant dans le fossé une sélection qui se sera humiliée : onze buts (!) encaissés en trois matchs et un 0-4 magistral essuyé contre le pays hôte à Yokohama, requiem de l’idéal olympique dans un pays alors champion du monde en titre.

L’Equipe a révélé récemment que le sélectionneur d’alors, Sylvain Ripoll, avait songé à démissionner. Le Breton n’a accepté de revenir sur ce désastre qu’une seule et unique fois depuis, dans Ouest France, ce qui permet de mesurer l’ampleur du traumatisme. En privé, certains joueurs embarqués dans la galère, à commencer par l’actuel attaquant des Bleus Randal Kolo Muani, ont pourtant juré avoir vécu une aventure collective et personnelle exceptionnelle. Trois ans plus tard, les Bleuets, désormais entraînés par Thierry Henry, se sont glissés gentiment, sans secousse, en quart de finale : ils affronteront à Bordeaux ce vendredi 2 août (coup d’envoi à 21 heures) une sélection argentine qui n’en finit plus de se faire conspuer partout où elle passe, le chant collectif raciste et transphobe envers les joueurs français (1) entonné dans le bus de l’équipe A après la victoire de l’Albiceleste en finale de la Copa America mi-juillet ayant fait le tour du monde sans laisser planer la moindre ambiguïté.

«Les Français sont touchés»

L’erreur serait d’en sous-estimer la portée, qui dit quelque chose du football argentin. Ou plutôt de ce qui lie les joueurs entre eux, entre tiers-mondisme revendiqué (ils s’exilent tous en Europe pour gagner leur vie, mais le cœur reste au pays) et sentiment de persécution nourri par le fantasme d’une supériorité physique appartenant à une supposée «génétique» africaine dont bénéficient aussi à leurs yeux leurs meilleurs ennemis brésiliens. Et les mots lâchés à l’image par Enzo Fernandez, qui ont poussé son coéquipier tricolore à Chelsea Wesley Fofana à parler de «racisme décomplexé», ont une valeur quasi officielle : au milieu du bus, il y avait quand même Lionel Messi. Sous-secrétaire d’Etat aux Sports, Julio Garro avait demandé des excuses au capitaine de la sélection. Garro a été viré sur-le-champ par le président argentin Javier Milei.

Les Bleus porteront donc plus qu’eux-mêmes vendredi, plus aussi qu’une revanche collective après l’humiliation de 2021, plus encore que l’élan d’un pays qui porte les athlètes tricolores au-delà d’eux-mêmes depuis une semaine. Trois joueurs dans le bus le fameux soir seront présents sur la pelouse de Bordeaux : Gerónimo Rulli (une saison à Montpellier en 2019-2020), Nicolás Otamendi et Julián Alvarez. L’usage voudrait que les Tricolores calment le jeu. Mais l’attaquant Jean-Philippe Mateta a plutôt fait le contraire mardi, après le succès (3-0) contre les Néo-Zélandais : «Avec ce qui s’est passé récemment, tous les Français sont touchés. On va voir ce qui va se passer vendredi.» Comme souvent lors des tournois olympiques, le rapport de force est assez trouble. Battus d’entrée par la sélection marocaine, les Argentins ont facilement dominé les Irakiens (3-1) et l’Ukraine (2-0), réinstallant en partie un statut de favori qu’ils affichaient avant la compétition. Les Bleus se sont promenés (trois victoires en trois matchs) mais ils n’ont joué personne sauf les Etats-Unis, contre qui ils ont souffert dans le jeu malgré la victoire 3-0. Ça risque de chauffer quand même.

(1) «Ils jouent pour la France mais viennent tous d’Angola, c’est bien, ils savent courir, ce sont des trans comme ce putain de Mbappé, sa mère est nigériane, son père est camerounais, mais sur le passeport : français.»