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Interview

«Au cœur des Jeux» : «Nous voulions montrer dans notre documentaire autre chose que les dieux et les déesses du stade»

JO Paris 2024dossier
Ce lundi 22 juillet, les deux premiers épisodes de la série documentaire réalisée par Jules et Gédéon Naudet sont diffusés sur France 2. Les deux cinéastes reviennent sur plusieurs semaines de tournage.
Les frères Naudet ont suivi les préparatifs des JO à Paris pendant des mois. (France Télévisions)
publié le 22 juillet 2024 à 16h01

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A quatre jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, ce lundi 22 juillet, France Télévisions diffuse en prime time les deux premiers épisodes (sur cinq) de la série documentaire Au cœur des Jeux de Jules et Gédéon Naudet. Les frères qui ont réalisé les documentaires New York : 11 septembre sur les interventions des pompiers durant les attentats terroristes de 2001 et Fluctuat Nec Mergitur, qui donne la parole aux otages de l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015, s’attaquent ici aux coulisses de Paris 2024.

Depuis avril, ils ont filmé plusieurs éléments des préparatifs des Jeux, se concentrant principalement sur «ce que l’on ne voit pas» et sur les personnes qui ont préparé l’évènement. «Epuisés et très heureux», ils reviennent sur ce tournage hors normes.

Comment s’est déroulé ce tournage ?

Jules : L’organisation a été titanesque. Cela nous a permis de pleinement prendre conscience de la chance que nous avons eue. Dans nos précédents documentaires, nous avions des semaines, voire des mois pour rencontrer nos interlocuteurs et les mettre en confiance. Pour cette série, nous n’avions en général qu’une journée pour arriver sur le site et le découvrir entièrement, pour rencontrer ceux qui passeront devant la caméra, découvrir les histoires que nous voulions raconter, et les filmer. Puis dans la foulée nous devions courir à la salle de montage et commencer à sélectionner les moments que nous voulions garder.

Gédéon : Nous avons aussi essayé d’aller dans le plus d’endroits possibles. Nous avons collaboré avec les équipes de Paris 2024, qui nous informaient de tout ce qui se passait dans les préparatifs, et ils nous ont laissé carte blanche pour filmer ce que l’on voulait. Nous avons surtout cherché à montrer l’humain dans ces coulisses, car ce sont les gens qui nous font le plus rêver.

Avez-vous eu une véritable «carte blanche», et avez-vous réussi à vous éloigner de la langue de bois ?

Jules : C’était une condition non négociable que nous avions posée dès le début. Bien sûr, en fin de compte nous ne montrons pas absolument tout, que ce soit pour des raisons de sécurité ou pour des choix éditoriaux – nous avons par exemple choisi ne pas trop en dévoiler sur la cérémonie d’ouverture pour que la surprise reste entière. Mais pas une seule fois on ne nous a dit que l’on n’avait pas le droit de filmer. Nous avons même inclus les imprévus, par exemple les difficultés rencontrées pour les épreuves dans la Seine. Pour cette situation en particulier, nous étions présents durant les réunions, les prélèvements à cinq heures du matin, les nombreux rendez-vous avec la maire de Paris, les multiples remises en question…

Gédéon : Il y a eu plusieurs moments que nous avons pu filmer librement. On nous a laissés passer partout où allaient les forces de l’ordre, la BRI, les commandos… Mais dans cette carte blanche, ce qui nous a le plus intéressés, c’est d’être proches des émotions des gens, ceux qui ont fait les Jeux olympiques. Par exemple de voir l’émotion lorsque la flamme olympique passe dans un petit village, c’était des moments très beaux.

Pourquoi avoir choisi cet angle-là, celui des personnes qui sont derrière les Jeux ?

Jules : Nous n’aimons pas le traditionnel, nous voulions montrer autre chose que les dieux et les déesses du stade. Tout a commencé lorsque a été dévoilé que la cérémonie d’ouverture serait sur la Seine. C’est là que nous nous sommes demandé comment aborder les Jeux sous un nouveau regard. Et assez rapidement, après avoir regardé tous les films sur les Jeux olympiques, nous avons pris conscience que notre marque de fabrique serait de montrer l’humain, les petites histoires derrière les grandes.

Y a-t-il eu un moment qui vous a particulièrement marqués ?

Jules : Pour moi, ça a été la rencontre d’un professeur d’école qui a enseigné plusieurs matières à ses élèves de 8 ou 9 ans à travers les Jeux olympiques. Et il a aussi organisé un quiz pour sa classe, pour lequel il récompensait les dix meilleurs élèves avec des billets pour assister à une épreuve des paralympiques. Lors du test, nous les avons vus fascinés et concentrés devant leur feuille de contrôle pour pouvoir y être.

Gédéon : Moi, j’ai surtout été ému par le relais de la flamme olympique, et le rôle des gardiens et des gardiennes dans ce trajet. Il y a de tout, la police, la gendarmerie… Et tous les soirs, lorsque ils ou elles éteignent la lumière pour s’endormir, la torche reste allumée. C’est très poétique.

Quels sont vos plans pour la suite ?

Jules : Nous allons continuer le tournage pendant les Jeux, pour réaliser deux autres épisodes, qui seront diffusés en septembre. Nous garderons l’esprit des coulisses dans plusieurs lieux différents, toujours avec ce regard un peu de biais, avec un père, un fils, une fille, un volontaire… Tout ce qu’on ne voit pas.

Gédéon : Et après ce tournage, nous préparerons le film officiel, qui sortira en janvier 2025. Mais au-delà de ça, il est assez difficile de se projeter. Pour l’instant, nous avons surtout hâte de vivre les Jeux. Cela va être dur, mais nous allons essayer de les savourer. De prendre le temps de nous arrêter parfois, pour regarder autour de nous, et simplement profiter de découvrir les Jeux de l’intérieur.

Il est vrai que ce projet diffère de vos productions passées. Pourquoi avoir choisi de vous éloigner autant de Fluctuat Nec Mergitur ou de New York : 11 septembre ?

Jules : Justement pour nous sortir de ce côté «les frères catastrophes». Nous avons apprécié de faire ces documentaires, mais c’était dur, et nous avions besoin de nous remettre en question artistiquement, de passer à des choses plus drôles et différentes. Avec les Jeux olympiques, nous voulions revenir à un style de documentaire caméra à l’épaule pour monter une foison de l’humanité. C’était changer, grandir et travailler sur des belles choses.