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Libération
Ultimatum

La Fifa et la FIA réclament un statut fiscal spécifique pour rester en France

La fédération de l’automobile et son homologue du foot, qui envisage de déménager à Paris, ont réaffirmé mardi 23 avril leur exigence d’un statut fiscal sur-mesure en France, sous peine d’aller voir ailleurs.
Le président de la Fifa, Gianni Infantino (à gauche), et celui de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, en mai 2023 lors du Grand Prix de Monaco. (Florent Gooden/DPPI. AFP)
publié le 24 avril 2024 à 20h30

Voilà ce qu’on pourrait appeler un ultimatum déguisé. A minima une menace, brandie conjointement par la FIA et la Fifa, les deux instances internationales du foot et de l’automobile, parmi les plus puissantes du sport mondialisé. La première a son siège à Paris. La seconde envisage de s’y installer durablement. Non sans conditions : le système juridique et fiscal français «ne semble pas être adapté à [nos] activités», ont-elles commenté à l’issue d’une conférence dédiée au statut des fédérations internationales, mardi 23 avril, organisée par Sporsora, qui regroupe les principaux acteurs du sport.

«Bien que la France soit le berceau du sport automobile, la concurrence internationale, notamment en termes de coût du travail, et la mondialisation du sport, fragilisent cette position», explique Xavier Malenfer, le directeur relations institutionnelles et internationales à la FIA dans un communiqué commun. «Sans clarification, par la reconnaissance d’un statut spécifique pour les fédérations sportives internationales, il y a peu d’espoir de voir les activités de la FIA se développer davantage et cela malgré tous les atouts incontestables de Paris», poursuit Xavier Malenfer.

Mini-paradis fiscal

En filigrane, ce dernier tente de mettre la pression sur le gouvernement, en remettant au goût du jour la création d’un cadre fiscal sur-mesure, un temps envisagé fin 2023. Une sorte de mini-paradis fiscal tel que l’avait imaginé la majorité à l’époque. Les députés macronistes avaient d’abord tenté de faire passer en catimini un amendement via le projet de loi finances 2024, censé «favoriser l’installation et le maintien sur le territoire français» des fédérations sportives internationales «reconnues par le Comité international olympique». Soit 34 fédérations, dont la très puissante Fifa née en France, désormais basée à Zurich, en Suisse. Le voisin helvète disposant d’une fiscalité très avantageuse, qui a permis à la Fifa de ne payer que 23 millions de dollars d’impôts en 2022 sur un résultat net de 2,4 milliards.

Cet «amendement copinage avec les hautes instances du foot», comme l’appelait à l’époque le président (LFI) de la commission des finances, Eric Coquerel, prévoyait des dispositions plus que favorables. S’il avait été appliqué, ces organisations n’auraient plus payé d’impôts en France dès 2024, en étant exonérées de l’impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises, ainsi que de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Les salariés de ces structures auraient même eu droit à un régime particulier puisqu’ils ne paieraient pas l’impôt sur le revenu pendant cinq ans. Une véritable offrande fiscale, au moment même où le gouvernement cherchait à remettre les comptes publics à l’équilibre.

La Fifa se défend de demander «des privilèges extraordinaires»

Ses dispositions ont toutefois été jugées trop avantageuses par le Conseil Constitutionnel. Les Sages ont retoqué ce cavalier législatif fin décembre, au grand dam des fédérations. A commencer par la Fifa, qui se borne à vouloir résider en France à moindres frais. Depuis juin 2021, l’équipe pilotée par Gianni Infantino dispose d’une antenne parisienne. Nichée dans l’Hôtel de la Marine, à deux pas de la place de la Concorde, elle est chargée des relations avec les fédérations, des coopérations techniques en faveur du développement du football. La capitale française abrite aussi une chambre de compensation qui gère notamment les mécanismes de solidarité. Une première pierre avant un éventuel déménagement du siège en France, qui capote depuis plusieurs mois.

La Fifa comme d’autres identifient un frein majeur à cette attractivité française : «L’absence de statut juridique propre pour les fédérations internationales. En droit français, elles possèdent en effet le statut d’associations, et ne peuvent être considérées ni comme des organisations internationales, ni comme des sociétés. Ce qui a des conséquences concrètes sur leurs activités, leur fiscalité, et, in fine, sur leur intérêt d’être en France», déplorent de concert la Fifa, la FIA et l’IFAF, la fédération internationale de football américain.

Malgré tout, ces instances demeurent très évasives lorsqu’il s’agit d’exprimer leurs revendications. Elles se contentent de réclamer à la France plus de clarté et de visibilité «quant au régime juridique, social, fiscal qui leur serait applicable». Kenny Jean-Marie, directrice de l’antenne parisienne de la Fifa, avance : «Les fédérations sportives internationales ne demandent pas des privilèges extraordinaires, ou à être mieux traitées que les autres types d’organisations. Mais pas moins bien non plus.» La perspective de voir Paris comme future place forte de la Fifa semble encore bien lointaine.