Sur l’écran lumineux du gigantesque Forum de Montréal, après une assez longue attente, les chiffres 1,00 s’affichent sous le numéro 73, le dossard de Nadia Comaneci. Murmures et incompréhension dans les gradins, remplis de plus de 18 000 spectateurs. La petite «fée» roumaine vient d’accomplir son premier enchaînement aux barres asymétriques pour le concours par équipes. Elle se prépare déjà pour la poutre. Elle jette brièvement un œil au panneau. «J’ai cru que c’était une erreur d’affichage, je n’ai pas compris et je ne cherchais pas à comprendre. Je m’échauffais pour la poutre, c’est la seule chose à laquelle je pensais», racontera-t-elle plus tard. Comme à son habitude, Comaneci s’était donné une note dans sa tête : «9,90 pour un petit écart de pieds à la réception», selon elle. Son bouillonnant entraîneur Béla Kàrolyi se prépare déjà à contester cette étrange note de 1,00.
Pour lui et pour tous ceux présents dans la salle, Nadia Comaneci vient d’accomplir un sans-faute. Précise, fluide, extrêmement rapide, enchaînant les figures sans aucun temps mort, même s’il s’agit là d’un exercice imposé, elle a bluffé tout le monde. La championne olympique Olga Korbut, véritable vedette des précédents JO à Munich, vient de récolter un 9,90. La prestation de Comaneci est sans nul doute supérieure. A ce stade de la compétition, l’équipe roumaine est deuxième à seulement un centième de point, derrière les favorites soviétiques. «Bonne entrée, elle bascule très bien. […]