Il fut la tête pensante à l’origine de l’avènement des San Antonio Spurs. Celui qui insuffla la gagne chez une franchise habituée aux défaites. Celui sans qui la dynastie des Spurs version Tony Parker, Tim Duncan, Manu Ginobili n’aurait probablement pas autant marqué la NBA au tournant des années 2000, et jusqu’en 2014, date de leur ultime titre.
Gregg Popovich, l’entraîneur que l’on pensait éternel sur le banc de la franchise texane, va quitter son poste après 29 saisons, ont annoncé les Spurs vendredi, et c’est un pan entier de l’histoire de la NBA qui s’évanouit d’un coup.
«Bien que mon amour et ma passion pour le jeu restent intacts, j’ai décidé de quitter mes fonctions d’entraîneur principal», a dit «Coach Pop», 76 ans, cité dans un communiqué de la franchise. «Je serai à jamais reconnaissant envers les joueurs, le staff et les fans qui m’ont permis de rester leur entraîneur en chef aux Spurs et je suis heureux d’avoir la possibilité de continuer à aider notre organisation, notre communauté et notre ville qui sont si importantes pour moi.»
L’annonce de vendredi était redoutée. Elle intervient après une longue période de flou, Popovich ayant été mis au repos depuis un AVC au mois de novembre, laissant les rênes de l’équipe à son ancien adjoint Mitch Johnson, confirmé dans la foulée à la tête de l’équipe. D’autant qu’il avait connu une autre alerte médicale au mois d’avril.
L’empreinte laissée par Popovich dans la Grande Ligue est colossale. Le natif de l’Indiana a marqué l’histoire de la NBA en étant resté à la tête de l’équipe texane depuis 1996, une longévité record. Dès l’année suivante, il a commencé à façonner l’impérial Tim Duncan. Les suiveurs français l’ont ensuite vu faire gagner Tony Parker et veiller aux débuts du diamant Victor Wembanyama. «Coach, merci pour votre sagesse, pour votre leadership, pour l’environnement que vous avez créé… Plus important encore, parce que vous êtes une personne incroyable dont on peut s’inspirer. Ça a été un honneur de faire partie de ces 29 saisons», a d’ailleurs salué «Wemby» sur ses réseaux.
Héritage durable
Avant son arrivée sur le banc des Spurs, la franchise texane n’était qu’une équipe de seconde zone, sans relief, au palmarès vierge. Avec «Coach Pop» aux commandes, San Antonio compte désormais cinq titres (1999, 2003, 2005, 2007 et 2014) dont les quatre derniers avec Tony Parker. Il a remporté 1 422 matches à la tête des Spurs, un record. «Coach Pop a profondément marqué la famille Spurs et le basket», a déclaré en hommage le président du club, Peter J. Holt. «Les titres et les distinctions ne suffisent pas à traduire l’influence qu’il a pu avoir sur tellement de personnes.»
Le septuagénaire laisse de fait un héritage durable dans l’approche du jeu, en ayant formé des dizaines d’entraîneurs et des centaines de joueurs. C’est lui qui lança la pionnière Becky Hammon, première femme à coacher une équipe NBA. Au début de la saison en cours, quatre des trente coachs de la NBA avaient déjà travaillé sous les ordres de Popovich.
Tous ont pu se confronter, au-delà des injonctions et des préceptes, à une certaine vision du basket, de l’humain, et du monde. Tantôt drôle et brillant, souvent grincheux et sarcastique, Popovich esquissait parfois un petit sourire à la fin de l’exercice qu’il détestait pourtant le plus : répondre aux journalistes. Rien ne l’amusait tant que de voir leurs mines livides après les avoir malmenés. Il se payait par exemple les costumes extravagants de sa «victime préférée», le regretté Craig Sager. Le jour où le journaliste reparut amaigri après un traitement contre le cancer, «Pop» l’enlaça et montra son vrai visage, chaleureux, humain, avant de se reprendre : «Maintenant pose tes deux questions stupides».
Lire aussi
«Avoir le sens de l’humour a une énorme importance pour moi car je pense que les gens qui n’ont pas d’autodérision, qui n’apprécient pas les moments drôles, ne sauront pas tout donner pour un groupe», expliquait en 2015 celui qui a façonné Tony Parker, drafté à 19 ans, dans son style bien à lui, en le poussant très tôt au bout de lui-même. «Lors d’un de ses premiers entraînements, j’avais amené quelques gars pour lui rentrer dedans. Je voulais voir ce qu’il avait dans le ventre. Il m’a impressionné. Alors, je lui ai dit, balle en mains : ‘‘C’est à toi, trouve des solutions, je vais t’aimer et te gueuler dessus en même temps‘‘», résumait-il. Ce qui n’empêcha pas le Français de le considérer par la suite comme un deuxième père.
Sa gouaille, légendaire, transparaissait au-delà du basket, Popovich ne mâchant pas ses mots lorsqu’il s’agit d’évoquer Donald Trump, «menteur», «raciste», «pathétique».
Président des opérations basket
Confronté aux défis de la reconstruction après les retraites de ses stars, au mitan des années 2010, Popovich a peiné à garder une équipe compétitive. Les Spurs viennent de manquer les play-offs pour la sixième saison consécutive. Mais ils ont avancé dans leur reconstruction autour du joyau Victor Wembanyama et en recrutant au mois de février le meneur all-star De’Aaron Fox. Les Texans ont aussi vu leur arrière-meneur Stephon Castle être élu meilleur rookie (débutant) de l’année en début de semaine.
De quoi laisser augurer une nouvelle ère dorée ? Popovich en aura posé les bases. La montée en puissance de San Antonio programmée pour les prochaines saisons se fera sous le contrôle de Mitch Johnson, 38 ans, qui avait rejoint les Spurs en 2016. Il était l’adjoint de Popovich depuis six saisons. Pour Popovich, l‘histoire ne s’arrête pas là pour autant : il va devenir président des opérations basket des Spurs. La NBA est loin d’en avoir fini avec lui, et réciproquement.