Résumer le Mixed Martial Arts (MMA) à un combat dans une cage est devenu has been. Désormais, la discipline mêlant boxe anglaise, boxe thaï, lutte, ju-jitsu brésilien ou encore judo, a le vent en poupe. Elle a ses spécialistes de plateaux télévisés, rassemble les foules et n’en finit pas de conquérir la France. Pratiqué dans une cage en forme d’octogone tapissée de tatami, le MMA tricolore a désormais ses nouveaux héros. Fans et annonceurs s’arrachent le Français Ciryl Gane et le Camerounais Francis Ngannou, après avoir vibré pour les rivaux mythiques, la star irlandaise Conor McGregor et l’«aigle» du Daghestan, Khabib Nurmagomedov.
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Le but du jeu est simple : deux protagonistes s’opposent dans un duel qui s’achève par KO, décision des juges ou soumission (sur clé articulaire ou étranglement). Les rencontres se découpent en trois ou cinq rounds de cinq minutes. Si le combat va jusqu’à son terme, trois juges désignent le vainqueur. Effet spectaculaire garanti.
«Atteinte à la dignité humaine»
Que trouve-t-on derrière l’acronyme MMA ? Un mélange de pancrace, sport antique grec, et de vale tudo – forme de combat libre né au Brésil au XXe siècle – devenu depuis un sacré business. Le MMA est un poids lourd de l’économie du sport internationale. Née en 1993 à Denver dans le Colorado, l’Ultimate Fighting Championship, la colossale ligue américaine de MMA, a été rachetée en 2016 pour 4 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros) par la société californienne WME-IMG, devenue Endeavour. L’organisation mère, un temps déficitaire, s’est depuis structurée pour gagner en crédibilité, de même que la bagarre qui s’est organisée. En 2001, un règlement unifié vient mettre des barrières et cadrer le MMA. Depuis cette date, plus d’une trentaine d’interdictions sont en vigueur, certaines valant jusqu’à la disqualification. Pêle-mêle : hors de question de mordre, de pincer, de cracher, de mettre les doigts dans les yeux, de viser les parties intimes ou encore de piétiner l’adversaire au sol. Chez les hommes, huit catégories de poids existent tandis que les femmes s’affrontent au sein de quatre.
Jusqu’en janvier 2020, la France faisait figure d’irréductible. Avec la Norvège et la Thaïlande, le pays du catch et d’André le Géant était l’une des dernières contrées à interdire les compétitions de MMA. Interdiction qui se basait notamment sur une recommandation du Conseil de l’Europe de 1999. L’instance conseillait alors aux pays membres «d’interdire et d’empêcher les combats libres tels que la lutte en cage», allant jusqu’à qualifier le MMA d’«atteinte à la dignité humaine». Les aficionados ne lâchent pas l’affaire et s’obstinent. Depuis 2004, des anciens champions et entraîneurs, tels Bertrand Amoussou, mènent la bataille pour faire accepter la pratique dans le pays, attaquée notamment par les autres sports de combat et arts martiaux. «Le MMA est un refuge pour jihadistes», ose même en 2015 le patron de la Fédération française de Judo Jean-Luc Rougé. «Pour moi, le MMA n’est pas un sport. Tout ça est né d’une invention pour faire du business, ajoutait-il. Il n’y a pas d’aspect éducatif avec ce genre de discipline.»
Reconnaissance progressive
Côté politique, les ministres des Sports successifs se refilent la patate chaude. En octobre 2016, le secrétaire d’Etat Thierry Braillard remet une pièce dans la machine. Il signe un arrêté interdisant de fait les compétitions. S’il ne nommait pas la discipline, le texte interdisait «les coups de poing, coups de pied, coups de coudes et coups de genoux visant un combattant au sol». L’arrêté, qui redéfinissait les «règles techniques et de sécurité applicables aux manifestations publiques de sports de combat», cantonnait également les duels autorisés à un tapis ou à un ring. Cette décision du gouvernement de Manuel Valls avait alors d’autant plus choqué les défenseurs du MMA qu’elle venait couper l’herbe sous le pied à un rapport parlementaire sur le point d’être rendu, proposant la reconnaissance progressive et l’encadrement de la discipline.
Il aura fallu les efforts de Roxana Maracineanu, la ministre déléguée chargée des Sports, pour qu’en janvier 2020 le MMA soit finalement légalisé en France et placé sous l’égide de la Fédération française de boxe. Désormais, l’Hexagone peut accueillir et organiser des compétitions professionnelles. Mais la pratique existait déjà de fait dans de nombreux clubs. Le MMA compterait entre 30 000 et 50 000 pratiquants français. Selon le rapport parlementaire de 2016, le nombre de téléspectateurs devant l’UFC en France était estimé à 250 000 tandis que les auteurs considéraient que le sport touchait plus de 1,2 milliard de foyers dans le monde.