A Anaheim (Californie) ce dimanche, «Bon Gamin» a bien cru entrer dans la cour des grands. Mais Ciryl Gane, Français à la trajectoire météorique, n’a pas su caler l’assaut décisif. Celui qui lui aurait permis de placer une fois pour toutes la France sur la carte mondiale du MMA. Il finira lessivé par le «Predator» Francis Ngannou, dont on a l’impression que la puissance au fil des combats semble inégalable. Vainqueur sur décision unanime des juges – 48-47, 48-47, 49-46 – le Camerounais, 35 ans, garde sa ceinture de champion du monde et reste, aux yeux des aficionados de l’UFC – organisation numéro 1 du MMA – l’homme le plus fort du monde.
Ciryl Gane, lui, a chuté face à son «boss de fin», comme il surnommait Francis Ngannou, ultime montagne sur la route du sacre. Au tout dernier niveau, cette cinquième et ultime reprise où tout était encore possible entre les deux hommes. Le point culminant d’une baston entre les deux rejetons de la MMA Factory, pépinière parisienne de classe mondiale, dont l’intrigue a pris à rebours à peu près tout le monde au Honda Center. On attendait un Ngannou archi offensif pour plier la donne dans les deux premiers rounds, et un Gane pour contenir le golgoth et forcer la décision sur les trois suivants.
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Ce fut tout le contraire. Combattant plus précis au striking (techniques de percussion), Gane a longtemps tenu Ngannou à distance. A peine timoré à l’entame, le Yonnais est sorti du bois en moins d’une minute : très mobile, malin dans ses approches, le Yonnais rentre ses jabs, alterne les touches à l’aide du genou, du coude, place un coup de pied retourné.
Surtout, il épuise Ngannou avec ses changements de garde régulier, le tout en variant les distances : dès que Ngannou semble à distance de frappe, Gane vient directement au clinching (phase de combat où les deux adversaires sont aux prises en corps à corps) pour annuler les coups du Camerounais. Au bout de deux reprises, le scénario est au-delà de celui espéré pour le Français, qui, contrairement à Ngannou, a l’habitude de prendre son temps dans l’octogone (15 minutes de moyenne dans la cage, une des plus élevées du circuit).
Prises au sol fatales
Sans solution en dix minutes et à la traîne aux points, Ngannou doit alors remporter les trois dernières reprises. Changement d’approche : le Camerounais a progressé dans certains compartiments, dont la prise au sol. Mais ça, personne ne le sait vraiment, le public l’avait à peine deviné dix mois plus tôt lors du dernier succès de Ngannou pour la ceinture des lourds contre l’Américain Stipe Miocic.
Un énorme takedown (le fait de faire basculer l’adversaire au sol) dans la troisième reprise va alors tout changer. Projeté au sol alors qu’il s’essayait au high-kick, Gane s’use pour s’extirper des 116,5 kilos retenus sur la balance, la veille. Ngannou comprend que pour avoir la peau de Gane, il faudra s’en occuper par terre. Deux amenées au sol plus tard, le Camerounais remporte le round grâce à ses phases de lutte, du jamais-vu pour le puncheur, habitué aux KO en moins de trois minutes.
Les saisies se multiplient, et le combat tourne, irrémédiablement. Outre son évidente puissance, le Camerounais a donc triomphé grâce à des atouts que beaucoup lui sous-estimaient : la prise au sol, et le cardio – «on ne peut pas perdre ce combat sur un problème de cardio !», soufflait son entraîneur Fernand Lopez à Gane, à l’issue du 4e round. Et cet enseignement, implacable : Ngannou n’est plus un simple puncheur. Il est devenu un combattant complet, pure émanation du MMA. Et n’a peut-être jamais semblé aussi fort que ce dimanche.