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Mondial féminin de handball : une Norvège remplumée triomphe de Bleues de plomb

Les Françaises ont perdu 29 à 22 contre une équipe norvégienne ressuscitée après une première mi-temps où les Scandinaves avaient perdu le fil. A l’inverse, les championnes olympiques se sont écroulées en deuxième période, semblant avancer avec des poids aux pieds.
L'équipe norvégienne, ce dimanche après-midi, à Granollers. (Pau Barrena/AFP)
publié le 19 décembre 2021 à 19h02

La médaille d’argent qui a sanctionné dimanche à Granollers (Espagne) le Mondial de handball des Bleues, rincées (29-22) par les magiciennes norvégiennes, aura le goût rétrospectif de la déception mais aussi d’une valeur humaine inestimable, extravagante. Elle s’est construite dans la rafale de dépressions et d’impasses psychologiques ressenties voilà quatre mois par les toutes fraîches championnes olympiques d’alors, timidement confessées dans l’Equipe et dont les racines apparaissaient multiples, sportives (l’ordinaire du championnat après la consécration d’une vie de joueuse) ou liés à l’époque (le coronavirus et l’incertitude qu’il fait peser sur les compétitions), plus ou moins partagées ou conscientes.

Ces difficultés disaient en creux quelque chose de cette équipe-là que les témoins ont eu sous le nez durant les deux semaines de compétition ayant précédé la finale perdue de dimanche, et qui a peut-être expliqué – à elles d’en parler – en partie la défaite : l’énorme investissement psychologique qui lui est nécessaire pour performer. Le prix à payer pour un jeu plus libre, moins cadré que celui des Russes ou des Nordiques (Suède, Danemark, Norvège), qui ne peut vivre que si les Tricolores sont dans l’état d’esprit d’aller au-delà des limites. De l’avis des joueuses françaises elles-mêmes, la victoire (23-22) de vendredi en demi-finale contre les Danoises avait déjà tenu du miracle. L’élastique a donc fini par casser contre Stine Bredal Oftedal et consorts, jusqu’à une fin de match cruelle, où on les aura vues monter le Golgotha à deux à l’heure, sans une goutte d’essence dans le réservoir, pendant que les Norvégiennes se faisaient des passes dans le dos et envoyaient des bisous aux copines dans la tribune.

Parfum d’euphorie

Comme à l’accoutumée quand elles se retrouvent en vieilles habituées des finales internationales, les deux équipes ont offert une opposition de style. Les Nordiques évoluent tout en fluidité et en vitesse, terminant souvent les actions sur leur grande (1,84 m) pivot Kari Brattset – signe que les ailières norvégiennes sont sous surveillance. A l’inverse, les Bleues recherchent non pas l’évitement mais l’épreuve de force, présumant une sorte de supériorité au duel, de chaque joueuse sur l’adversaire qui lui fait face.

Admise par les Norvégiennes («elles aimeraient avoir nos qualités physiques», expliquait Béatrice Edwige cette semaine), cette prééminence est un poison lent. En plus d’exister sur le parquet, elle revient hanter les esprits de Nora Mørk et ses coéquipières au premier coup de buis, entraînant une perte de confiance qui cultive les difficultés. Légèrement dominées en début de match, les Scandinaves prennent un premier éclat après vingt minutes (12-7 pour les Bleues, 25e), la gardienne tricolore Laura Glaser s’offrant cinq arrêts de suite quand les Nordiques n’égarent pas des ballons en touche. L’écart monte à +6, un parfum d’euphorie traverse les rangs français jusqu’au banc des remplaçantes, ça leur coûte un ou deux buts de plus et les Norvégiennes sont plutôt heureuses d’atteindre la mi-temps à -4 (12-16).

Fantômes chassés

Au retour des vestiaires, les filles coachées par Thorir Heirgersson ont chassé les fantômes. Ça va trop vite pour les Bleues. Elles tapent dans le vide, arrivent trop tard et donnent tous les ballons à Grâce Zaadi pour que la native de Courcouronnes (Essonne) joue à leur place. Océane Sercien Ugolin supplie le public français de lui donner du courage, la gardienne Cléopâtre Darleux prend un ballon en pleine tête qui lui fait monter les larmes et le sélectionneur français, Olivier Krumbholz, prend la parole au temps mort dans un désert : d’habitude proactives et loquaces, les joueuses tricolores n’ont plus rien à dire. A dix minutes du terme, les Norvégiennes sont à +6 (26-20) et les Françaises regardent leurs chaussures.

Il faut que ça se termine. Estelle Nze Minko prendra le premier micro qui passe : «Je ne sais pas trop ce qui s’est passé après la première mi-temps. A chaud, c’est difficile. On a d’abord été très solide. Après, on galère, on galère… On a raté notre match, oui. De là à savoir pourquoi…» Krumbholz, qui enquille quand même une treizième médaille internationale depuis son arrivée à la tête des Bleues en 1998 (moins une parenthèse de trois ans entre 2013 et 2016) : «Il y a de la déception mais il y a de la fierté quand même. On a très mal joué en seconde mi-temps mais juste avant la pause, il y a déjà des choses qui ne vont pas. Ensuite, on est maladroit au tir, puis dans les passes, et là…» Au vrai, elles avaient les pieds dans le ciment. Ou l’adversaire a réglé sa mécanique et déroulé son truc sans se faire tout un monde des championnes olympiques en titre. Ou les deux.