A Tokyo, les mondiaux d’athlétisme ont distribué en neuf jours de compétition près d’une cinquantaine de titres planétaires (49), rempli les tribunes du stade national de 619 000 spectateurs, et vu presque 40 pays décrocher au moins une médaille. Armand Duplantis a ajouté un nouveau record du monde à la perche à sa riche collection, les Américains ont souvent fait le spectacle (Sydney McLaughlin-Levrone, Noah Lyles, Melissa Jefferson-Wooden, Rai Benjamin), l’Ethiopie a encore reculé… Tout cela était attendu.
Moins prévisible, plusieurs temps forts ont secoué la routine d’un sport où les trains n’arrivent plus aussi souvent à l’heure. Ils ont pu vous échapper. Libération en a choisi cinq parmi les plus marquants.
Aurélien Quinion, humble marcheur
Le programme le condamnait à échapper à la lumière, avec des épreuves disputées tôt dans la matinée à Tokyo, soit au cœur de la nuit en France. Dommage. Le Français Aurélien Quinion aurait mérité une meilleure exposition. Cinquième sur 35 km, malgré des crampes dans les mollets au moment où le podium lui tendait les bras, il fait mieux encore au 20 km, bouclé à la 4e place. Costaud. A l’indice de performance, seul Jimmy Gressier le devance dans le camp français. Mais Aurélien Quinion n’est pas homme à rouler des mécaniques. Pour preuve, sa réaction au moment de résumer sa semaine : «Je suis fier et heureux. Mais j’ai aussi encore du mal à y croire. Je suis un peu le gars du fond de la classe qui a réussi à avoir une bonne note.»
Le Canada, un pays marteau
Improbable scénario. Longtemps propriété des pays d’Europe de l’Est, le lancer du marteau a changé de mains et de fuseau horaire. A Tokyo, les deux titres mondiaux ont été décrochés par un même pays : le Canada. Camryn Rogers a raflé l’épreuve féminine, puis Ethan Katzberg a réglé l’affaire dans la finale masculine. Ils avaient réussi pareil tour de force l’an passé aux Jeux de Paris. Le secret canadien serait géographique : les deux lanceurs ont en commun d’être nés et de vivre en Colombie-Britannique, un Etat de l’ouest où la discipline s’est découvert un terrain fertile. «On y est autorisé à lancer le marteau dès l’âge de 12 ans», explique Ethan Katzberg. Et un programme spécifique, BC Throws Project, a été lancé en 2015, financé par la fédération d’athlétisme.
Le marathon, remporté d’un cheveu
Du jamais vu. Le titre mondial du marathon masculin s’est joué… à la photo-finish. Ben oui. Après plus de deux heures de course, dans la moiteur de Tokyo (68 % d’humidité au départ, 28 °C à l’arrivée), les juges ont dû se pencher sur l’image fixe de l’arrivée pour décider du vainqueur. Le Tanzanien Alphonce Felix Simbu l’a emporté de l’épaisseur d’un maillot devant l’Allemand Amanal Petros. Un même chrono pour les deux hommes (2 h 09’48’’) séparés de seulement trois centièmes, moins qu’en finale du 100 m hommes. Premier surpris de sa victoire, le Tanzanien est entré dans l’histoire comme le premier médaillé d’or mondial de la Tanzanie, toutes disciplines confondues. Autre bizarrerie de la course : un faux départ provoqué par le Kényan Vincent Ngetich Kipkemoi.
Simbu wins a photo finish in a marathon. Incredible.
— CJ Fogler (@cjzero.bsky.social) 15 septembre 2025 à 03:11
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Mattia Furlani, l’Italien bondissant
L’athlétisme italien a mis la main sur un nouveau prodige. Mattia Furlani, 20 ans depuis le mois de février, est devenu le plus jeune champion du monde du saut en longueur de l’histoire, par la grâce d’un bond à 8,39 m au quatrième essai. L’Italien a pourtant traîné en route avant de se lancer dans la discipline. Adolescent, il se voyait plutôt en sauteur en hauteur – il a réussi 2,17 m – comme son père Marcello, perché à 2,27 m au temps de sa gloire. A en croire le jeune homme, son envie de changer de piste aurait été encouragée par sa mère, Kathy Seck, une ancienne sprinteuse d’origine sénégalaise. Médaillé de bronze l’an passé aux Jeux de Paris 2024, il a accueilli son titre mondial avec simplicité : «J’avais mal commencé le concours, mais je ne me suis pas inquiété. J’ai seulement cherché à rester calme et garder le meilleur pour la fin.» Elémentaire.
Le Botswana, pays du 400 m
Le tour de piste n’est plus américain. A Tokyo, un seul membre de la Team USA s’est glissé en finale du 400 m, Jacory Patterson. Une présence discrète (7e). Surprise : la discipline est désormais la chasse gardée d’un pays d’Afrique australe riche de seulement 2,5 millions d’habitants. Le Botswana a placé trois de ses athlètes en finale mondiale. Deux d’entre eux, Collen Kebinatshipi et Bayapo Ndori, sont montés sur le podium. L’or pour le premier, le bronze pour le second. En toute logique, le Botswana s’est aussi imposé en 4x400m, ce dimanche, dans une course disputée sous une pluie battante. Une année plus tôt, le maillot bleu pâle du Botswana avait déjà crevé l’écran aux Jeux de Paris 2024, avec la victoire de Letsile Tebogo au 200 m. Le Kenya recule, l’Ethiopie s’enfonce. Le Botswana, lui, fonce ventre à terre.
BOTSWANA WINS A THRILLER In a driving rain, the Botswana quartet stuns the Americans to win gold in the 4x400m relay. And watch them celebrating after the race. What a finish. What a moment.
— Devin Heroux (@devinheroux.bsky.social) 21 septembre 2025 à 13:32
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