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Pierre-Jean Vazel, un coach autodidacte derrière Quentin Bigot

JO Paris 2024dossier
Pierre-Jean Vazel a une trajectoire atypique. S’il n’a jamais été sportif, sa passion pour les statistiques et l’athlétisme l’ont amené à devenir entraîneur. De sprinteurs, en Chine notamment, avant de s’occuper du lanceur de marteau, devenu vice-champion du monde sous sa férule.
Pierre-Jean Vazel, entraîneur de Quentin Bigot, au stade d'athlétisme Dezavelle à Metz, en novembre 2019. (Mathieu CUGNOT/Libération)
publié le 11 février 2021 à 11h50

Derrière Quentin Bigot et son retour à la compétition de haut niveau après une suspension pour dopage, jusque-là très réussi, il y a un homme : Pierre-Jean Vazel. Ce Breton, désormais installé à Metz, possède un CV de coach déjà bien rempli. Et pas seulement par l’athlétisme, car le jeune quadra a fait de longues études, notamment aux Beaux-Arts de Rennes.

La passion – le virus dirait-on en d’autres temps – de l’athlétisme lui a été inoculée par son grand-père : «J’ai découvert l’athlé aux championnats du monde de Tokyo en 1991. J’avais 10 ans. Mon grand-père regardait tout, et quand c’était trop tard et qu’il fallait que je me couche, il enregistrait et je regardais le lendemain matin», raconte Vazel dont les parents ont essayé de le dissuader à un moment, sans succès. Pierre-Jean Vazel, PJ pour Bigot et les intimes, commence à noter les résultats des compétitions, à se fournir en vidéos, à analyser les courses. Ces activités lui permettront de devenir l’un des statisticiens les plus reconnus au monde dans le milieu de l’athlétisme.

Un coach qui démarre vite

Il entre réellement en athlétisme dans les années 2000 grâce à Internet : «Il y avait un forum sur le site de l’IAAF [Fédération internationale d’athlétisme, ndlr]. On pouvait rencontrer, virtuellement, beaucoup de monde, il y avait des passionnés, qui après sont devenus coachs, journalistes et athlètes de tous les niveaux. Je deviens l’un des contributeurs les plus assidus», se souvient l’intéressé. En 2004, l’IAAF lui demande d’écrire un papier sur la retraite de Marie-José Perec : «Je ne savais pas trop écrire en anglais, je m’y suis mis

L’IAAF, aujourd’hui World Athletics, donne vite à Vazel des accréditations pour assister aux plus grands meetings européens : «Je prenais le train et je partais avec mon badge. Ensuite j’ai commencé à écrire pour eux des comptes rendus des différentes compétitions.» Les badges lui permettent d’aller aussi sur les terrains d’échauffement. C’est ainsi qu’il rencontre un très bon sprinteur nigérian, Olusoji Fasuba. «Il n’avait pas de coach et il en cherchait un. Je lui ai dit que j’allais demander à des coachs que je connaissais. Personne ne voulait de lui, et on m’a même dit de me lancer et de le prendre. J’étais à l’aise avec l’analyse de la mécanique de course, mais je n’avais jamais coaché au bord de la piste.» Le Breton accepte de s’occuper de Fasuba, il s’enfile quelques Rennes-Heidelberg pour aller le voir de temps en temps. «C’est fou ce que la passion peut t’amener à faire commente entre un souvenir et l’autre le coach salarié de l’Athlétisme Metz Métropole. Sous l’aile de Vazel, Fasuba remporte en 2008 le titre de champion du monde sur 60 mètres en salle à Valence. «A partir de là, ma carrière de coach avait démarré. Je m’installe en région parisienne et je démarre la collaboration avec d’abord Ronald Pognon [premier sprinteur français à descendre sous la barre des 10″] et puis avec Christine Arron.»

«Inutile de se voiler la face, les JO sont le Graal.»

—  Pierre-Jean Vazel

En 2015, un ami commun met Quentin Bigot et Pierre-Jean Vazel en contact. Pendant sa suspension, le lanceur de marteau est devenu conducteur de trains de fret. Pour son travail, il s’arrête souvent en banlieue parisienne où vit Vazel à ce moment-là. «On a fait connaissance, quand il venait pour le travail il restait quelques jours, le temps de faire quelques séances.» Le binôme fonctionne d’un commun accord. Même l’année et demie que Vazel passera ensuite en tant qu’entraîneur en Chine pour la province de Shanghai ne cassera pas leur collaboration. Au contraire, se rappelle le coach breton : «Quand j’ai entendu l’interview aux championnats de France en juin 2017 [Bigot exprimait sa lassitude de devoir s’entraîner à distance, ndlr], j’ai décidé de revenir en France pour continuer à entraîner Quentin mais à ses côtés. Il est très autonome, c’est vrai, mais il commençait à manquer de motivation : on ne pouvait plus continuer à distance. Puis en Chine, dans mon groupe, il n’y avait pas d’athlètes qui potentiellement pouvaient faire un podium aux championnats du monde ou aux JO.» Le pari est déjà gagné pour Pierre-Jean Vazel : la quatrième place aux Mondiaux à Londres en 2017 et la médaille d’argent à ceux de Doha en 2019 en sont la preuve. Pour l’heure, le duo Bigot-Vazel poursuit son rêve olympique : «Inutile de se voiler la face, les JO sont le Graal.» Reste à voir si le contexte autorisera ou pas à partir à sa quête.