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Libération
Ballon ovale

Au stade Charléty, un Fabien Galthié doloriste mais optimiste

Mercredi 8 novembre se tenait la première conférence de presse, très attendue, du sélectionneur français après l’élimination du XV de France en Coupe du monde de rugby.
Fabien Galthié lors d'une séance d'entraînement avec des enfants, mercredi 8 novembre 2023 à Paris. (Franck Fife/AFP)
publié le 8 novembre 2023 à 20h18

Après l’élimination de la France en quart de finale de la Coupe du monde de rugby (mais si voyons, souvenez-vous : Antoine Dupont casqué, des rebonds foireux qui donnent au ballon ovale des allures de dés, un arbitre francophobe et machiavélique insultant la fibre patriotique… tout ça), Fabien Galthié a coupé les ponts. Une dernière conférence de presse, conformément au protocole, ce 15 octobre maudit, une heure après la défaite, 29-28 face à l’Afrique du Sud, dans les entrailles d’un Stade de France qui, soudain, venait de se transformer en sépulcre, et basta. Salut la compagnie.

Fallait-il en vouloir au sélectionneur de prendre la tangente, lui qui venait de concéder quatre années de sa vie professionnelle – et sans doute aussi en bonne partie privée – à la préparation de l’épreuve avec, comme objectif avoué, de décrocher un premier titre mondial, sur ses terres qui plus est ? Diable non. Mais tout le monde ne l’entendait pas de cette oreille, certains finissant même par trouver un tel silence suspect (alors qu’il n’a duré que vingt-quatre jours !), puisqu’il restait encore quinze jours de compétition à commenter, d’une part, et, surtout, tout à reconstruire, au sein d’un rugby français totalement abasourdi par cette immense désillusion.

«On meurt à un point»

Mais, oui, Fabien Galthié, comme bon nombre des joueurs du groupe, avait pris le large, ne donnant de ses nouvelles que le plus involontairement du monde quand un hebdo people le montrait en une, à poil, sur une plage de galets normande, avec sa compagne. Le retour à la vie sportive, lui, était planifié fin novembre. Or, cédant à la pression médiatique, la Fédération française de Rugby a donc décidé d’anticiper de trois semaines la rentrée des classes, dans le cadre d’une après-midi soigneusement mise en scène. D’abord en nommant, le temps d’une séance, le sélectionneur entraîneur de l’équipe de jeunes du PUC – institution ancestrale du rugby francilien – autour de 57 joueurs de 10-12 ans qui en garderont certainement un souvenir à vie. Puis, dans la foulée, en organisant une conférence de presse dans le modeste club house dudit club, au stade Charléty adossé au périphérique parisien, où, derrière une baie vitrée, des gamins jouaient en contrebas au foot sur une pelouse synthétique quand le boss a fait son entrée, en survêtement bleu.

Dans une petite salle bondée, l’échange n’a rien révélé de fracassant qui, sur un ton désormais habituel, a consisté à refaire le match avec pondération, comme à dresser un bilan globalement positif du chemin parcouru et à commencer à imaginer le coup d’après sur des bases œcuméniques. «Il a fallu laisser du temps au deuil, pour moi, le staff et les joueurs», a posé le Gersois, qui a aussi parlé de «blessure» pour, dans le registre doloriste, enfoncer le clou de la crucifixion d’un : «Et on meurt à un point».

Toutefois, si c’était à refaire, il ne changerait rien, point de vue stratégie, se référant aux datas certifiant que, selon toute logique arithmétique, la France aurait dû marquer une dizaine de points de plus dans cette rencontre, qu’il a d’abord revue quatre ou cinq jours après, «pas de bon cœur», car pour répondre à des obligations «purement professionnelles», puis une dizaine de fois depuis. «Il faut accepter la défaite, car lorsqu’on joue à ce niveau on doit être prêts à gagner, comme à vivre ce qu’on a vécu, seul le champion du monde n’ayant pas mal» a, une fois de plus, rappelé Galthié.

«Messages d’affection»

Se sentant un peu sommé de rendre des comptes, il a aussi veillé à revenir sur les quatre années écoulées, rappelant à plusieurs reprises que, depuis le début de sa mandature, la France – dont, fin 2019, il avait hérité dans un piteux état – a tourné à 80 % de victoires et retrouvé son rang dans le premier cercle du rugby mondial avec un classement actuel à la 4e place, après avoir oscillé ces deux dernières années entre la 1ère et la 3e. A son arrivée, il a aussi rappelé qu’il venait pour gagner «des titres», mais que ceux-ci ne se sont à ce jour qu’accordés au singulier, avec un seul Tournoi des six nations, remporté en 2022. Mais, de son point de vue, l’avancée reste significative : fondée sur le triptyque «rassembler, fédérer et partager», la mission a été menée à bien. Les «messages de soutien et d’affection» ont afflué après la débâcle, et, surtout, les bons résultats engrangés profitent à l’ensemble du rugby tricolore qui évoluent à tous les échelons dans des stades copieusement garnis. Moralité : «je veux croire qu’on va continuer à marcher ensemble» anticipe le sélectionneur, adressant un message même pas voilé aux clubs du Top 14 qui, maintenant qu’il n’y a plus d’objectif mondial à court ou moyen terme pourraient être tentés de lâcher moins facilement des pépites qu’ils continuent de salarier quand elles défendent les couleurs de la sélection nationale.

Prêt à «repartir sur un protocole de quatre ans», avec une équipe que, nonobstant d’inévitables changements, il imagine «encore plus forte et expérimentée», Fabien Galthié a prédit : «Le meilleur est à venir.» Ce qui n’engage à rien. Du moins à court terme.