L’idée est bonne, mais la réalisation peine à convaincre. Après seulement une semaine de compétition, le Super Rugby, ligue qui regroupe les clubs australiens et néo-zélandais, n’oblige plus ses joueurs à sortir du terrain pour subir un test de commotion en cas d’alerte envoyée par les protège-dents dits «intelligents», a annoncé ce vendredi 1er mars la compétition de l’hémisphère sud. Ces nouveaux accessoires permettent, à l’aide de capteurs, de mesurer les fortes «accélérations de la tête» subies par les joueurs lors de chocs violents, afin de renseigner les médecins et de cibler les joueurs à contrôler par les protocoles commotions.
Les joueurs de Super Rugby continueront de les porter ce week-end, «mais ne seront pas obligés de quitter immédiatement le terrain pour une évaluation du traumatisme crânien lorsque leur protège-dents déclenche une alerte destinée aux médecins du bord du terrain», a expliqué la ligue, en précisant que la modification n’était que temporaire. Pour le moment, les joueurs seront à la place contrôlés par un médecin directement sur le terrain, qu’ils ne quitteront qu’en cas d’inquiétude pour un véritable protocole commotion. Ils seront toujours soumis à une évaluation complète à la mi-temps ou à la fin du match.
«Problèmes techniques» et manque de confiance
La technologie avait fait l’objet de critiques de la part de plusieurs acteurs du milieu, dont Scott Barrett, capitaine des Crusaders, champions de Super Rugby en titre. Le joueur a considéré sa mise en place comme une «étape de trop» qui pourrait aller jusqu’à influencer l’issue d’un match, en cas de sortie de joueur. Lors de la défaite de son équipe contre les Waikato Chiefs, trois joueurs étaient visiblement déconcertés lorsqu’ils ont été appelés à quitter le terrain. Aucun d’entre eux ne se croyait blessé, et ils sont revenus en jeu après avoir subi des examens médicaux, avant de s’incliner sur le score serré de 33 à 29.
Interview
En Europe également, le dispositif interroge, alors qu’il est utilisé au Tournoi des Six Nations. Gregor Townsend, le sélectionneur de l’Ecosse, a émis ses réserves après les deux premières journées des Six nations. «Nous devons faire attention à ce que nous faisons en accordant notre confiance à des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves», a-t-il expliqué après la victoire de son équipe contre l’Angleterre, alors qu’un joueur écossais avait dû sortir du terrain pour la seconde fois en deux matchs, «il y a encore du travail à faire avant que cette technologie ne fonctionne correctement».
Des critiques qui semblent fondées, quand le Super Rugby a admis avoir rencontré des «problèmes techniques» dans la collecte et le transfert des données des protège-dents. De nouveaux tests seront effectués ce week-end, à l’occasion de la troisième journée de la compétition de l’hémisphère sud, «pour contrôler les améliorations apportées au processus de transfert de données, en vue de rétablir les protocoles d’alerte une fois que ces problèmes seront entièrement résolus».
Deux millions d’euros investis par World Rugby
Rendus obligatoires en janvier 2024, ces protège-dents connectés doivent, à terme, être utilisés dans toutes les compétitions d’élite du rugby international gérées par World Rugby. Au mois d’octobre, la fédération mentionnait un investissement de 2 millions d’euros dans ce dispositif pour l’intégrer à son protocole d’Evaluation de Blessure à la Tête (HIA) en cours de jeu. L’organisation évoquait notamment une étude portant sur le hockey sur glace, sport lui aussi sujet aux contacts violents, et dans lequel il était estimé que cette technologie pouvait «réduire le risque de commotion cérébrale de 20 %». «Les progrès de la technologie relative aux protège-dents intelligents permettent aux joueurs d’élite d’être mieux soignés que jamais auparavant», a estimé dans ce même communiqué Eanna Falvey, médecin chef de World Rugby.