C’est l’histoire d’une petite balle qui monte et qui descend puis d’un gendarme pas content. Penaud, ce supporter sud-africain, légèrement enivré et rougi par le soleil, indique à ses copains que, ça y est, la police est «pissed off» (énervée). Cela faisait un petit quart d’heure que le groupe s’envoyait un ballon format réduit, pintes à la main et précision discutable. Le troisième aller du mini-cuir sous la camionnette des militaires fut simple.
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Qu’importe, place à la fête. Depuis 15 heures, pour un match six heures plus tard, les maillots verts des supporters irlandais et sud-africains affluent autour du Stade de France. On prend des photos, on se plaint du prix de la bière et on s’appelle «mate». Sur le plan sportif, ce choc de la poule B ressemble à une finale avant l’heure. A la buvette, l’Afrique du Sud s’incline face à son adversaire du soir. «Impossible, ils sont trop forts, crie Ruben, 35 ans dans un mois. Mais on n’est pas les derniers non plus !» Il est là avec sa petite amie Shelly. Le couple vient de Johannesburg mais lui habite désormais à Londres. C’est de là qu’ils sont partis en voiture, pour faire le tour des villes françaises à l’occasion de la Coupe du monde. «Bordeaux ? Génial. Toulouse aussi ! Marseille et Paris… Nah, les gens sont moins sympas on dirait.» Les deux trentenaires, tuniques des Springboks sur le dos, sont arrivés tôt car ils estiment qu’il peut être difficile d’entrer dans certains stades en France.
«On a raté les hymnes et le coup d’envoi»
Le désastre de la finale de la Ligue des champions à Saint-Denis en mai 2022 a laissé des traces. Et elles ont traversé les frontières. Cette Coupe du monde de rugby sert de répétition générale pour les autorités françaises à un an de Jeux olympiques aussi attendus que redoutés. Alors, qu’en est-il ? «So far, so good», sourient Maia et Anna, 25 et 26 ans, deux Néo-Zélandaises venues supporter l’Afrique du Sud – ça existe – au milieu de leur voyage hexagonal. Celles-ci ne sont pas les plus représentatives car elles n’assisteront qu’à un seul match. Tracy et Colin, deux quinquas dublinois savent qu’il y a eu de gros problèmes d’accès aux enceintes lors de matches à Bordeaux ou à Marseille. Surtout, ils connaissent le Stade de France, deuxième stade favori de Colin après le Millenium Stadium de Cardiff. «On est venu l’an dernier pour le Tournoi des Six Nations, trois heures avant le match. L’organisation était catastrophique et on a raté les hymnes et le coup d’envoi.»
S’il est une chose que Colin changerait à Saint-Denis, c’est l’accessibilité. «Le stade est trop loin de la ville, l’accès en métro n’est pas facile si on n’est pas prévoyant. Et oubliez le taxi !» L’Irlandais comprend que la sécurité française soit sur les dents, «après le Bataclan et tout ça». D’ailleurs, lui et sa femme sont plutôt rassurés par l’impressionnant dispositif policier, extrêmement visible. Impossible de faire trois pas sans croiser un peloton d’intervention. Et au moment où nous discutons, une ligne de militaires vient justement nous déloger, jusqu’à une passerelle, afin de fouiller tout ce petit monde arrivé avant que les barrages filtrants ne se mettent en place. «Qu’est-ce qu’il se passe au juste ?», s’étonne Nick. Lui aussi vient de Johannesburg. «Mais c’est du grand n’importe quoi votre truc», se marre le gaillard sud-africain, qui trouve que les Français ne sont «pas les plus sympas du monde». Face aux regards interrogateurs des supporteurs, les gendarmes cherchent le seul anglophone de leurs rangs, sans succès.
«La France ne réalise pas l’engouement autour de l’évènement»
Naturellement, les Sud-Africains comparent l’événement avec le Mondial de foot que leur pays a organisé en 2010, souvenir honteux de l’histoire des Bleus. «J’ai l’impression que tout était plus facile, se souvient Ruben. Et la bière était quand même bien moins chère !» L’accès à la boisson est un enjeu clé pour ces supporters au gosier vite sec. Ils le savent : des pénuries ont été observées dans différents stades, notamment le premier week-end. «On est inquiet pour la bière, témoigne Darrin, venu de l’île de Guernesey. Je n’irais pas jusqu’à dire que vous n’êtes pas prêts mais j’ai l’impression que la France ne réalise pas l’engouement autour de l’événement.»
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