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Libération
Quarts de finale

Coupe du monde de rugby : l’impétrant, c’est la Rose

Coupe du monde de rugby 2023 en Francedossier
Au terme d’un quart à suspense, l’Angleterre vient à bout de coriaces et valeureux Fidjiens (30-24) dimanche 15 octobre à Marseille, et rallient le dernier carré du tournoi. Ils seront opposés à l’Afrique du Sud en demi-finale.
Le numéro 8 anglais Ben Earl lors du quart de finale face aux Fidji, le 15 octobre au Stade Vélodrome de Marseille. (Christophe Simon/AFP)
publié le 15 octobre 2023 à 19h28
(mis à jour le 15 octobre 2023 à 23h26)

Après l’Irlande, la malédiction des quarts serait-elle en train de contaminer les Fidji ? Après deux échecs à ce stade en 1987 et en 2007 (déjà en France), les colosses du Pacifique ont à nouveau échoué à rallier les demi-finales, en s’inclinant 30-24. Et leurs bourreaux anglais tiennent là leur revanche, après l’humiliation subie à Twickenham un mois et demi plus tôt, lorsque des Fidjiens entreprenants étaient venus l’emporter dans l’arène anglaise sans sourciller (28-22). On les sentait rancuniers : il n’y avait qu’à observer les lads anglais en tribunes hurler leur «Swing low sweet chariot» pendant le cibi fidjien pour comprendre que ce quart à Marseille n’aurait à peu près rien à voir avec le reste.

D’autant que les deux sélections, qui ont fini sur les rotules leur phase de poules, avaient toutes deux prévenu : l’une comme l’autre allait présenter un visage bien différent que celui qui fut le leur lors de la dernière journée des poules. Ce fut vrai. Très tôt, un premier enseignement surgit : les Fidjiens ne sont jamais aussi dangereux que lorsqu’ils jouent sans l’étiquette de favoris. Exit le jeu stéréotypé et sans éclairs de génie déployé lors de leur défaite historique contre le Portugal une semaine plus tôt. Ce dimanche, les coéquipiers de Levani Botia ont joué libérés, retrouvé de la fougue, de l’improvisation, du geste singulier. Bref, ils ont tenté à chaque instant. L’essence même de leur jeu.

Très osé

Problème de taille, cependant : en face, froid de réalisme lorsqu’il s’agit de matchs qui comptent, le XV de la Rose n’était sûrement pas l’adversaire le plus adapté au jeu très entreprenant des Fidjiens. Et quoiqu’on pense de la dynamique anglaise pré-Coupe du monde et de la faible densité du groupe D, la sélection n’avait rien d’un outsider sur ce match, puisqu’elle s’amenait au Vélodrome invaincue en quatre parties. Le tout amputé la moitié du temps de son métronome, âme et tête pensante : Owen Farrell, 109 sélections, suspendu deux matchs après un carton rouge reçu lors d’une rencontre préparatoire juste avant de partir en France, et parfaitement suppléé par George Ford, héroïque contre l’Argentine, létal dans son jeu au pied (92 % de réussite contre 72 % pour Farrell).

Le dilemme a donc animé tous les talks-shows, émissions et autres interviews outre-Manche : lequel des deux aligner dans un match aussi capital ? Le sélectionneur Steve Borthwick devait faire un gros choix. Il en a fait deux, en titularisant Owen Farrell et Marcus Smith à l’arrière, alors que ce n’est pas son poste de métier, et que Steward avait démarré 29 des 30 dernières rencontres comme titulaire. Très osé. Smith a beaucoup souffert dans son couloir en début de rencontre, face aux coups de boutoir de Semi Radradra, au gabarit bien supérieur.

Il n’était pas le seul, le reste des troupes aussi : dans la droite ligne de leur parcours en poules, les Fidjiens ont démarré très fort en se montrant intraitables dans le jeu au sol, récupérant les ballons dans les rucks. Mais ces Anglais sont fins tacticiens, ils s’adaptent en permanence. Ils savent exploiter les faiblesses, même infimes, lorsqu’elles se présentent. Ils ont vu que les Fidjiens avaient tendance à laisser trop ouvert leur petit côté en phase défensive, à force de vouloir trop anticiper les basculements anglais vers le grand. C’est ainsi que Manu Tuilagi aplatit en premier. Comme les Fidjiens ne font jamais rien comme tout le monde, ils rétorquent en inscrivant leur premier essai lors de leur premier moment en infériorité numérique : une feinte de passe d’école de Villiame Mata pour marquer, après une passe au contact de Josua Tuisova.

Folie vite retombée

Plus inattendu, la domination au sol des Fidjiens s’est inversée dans le second quart du match, au bénéfice de l’Angleterre, qui profite des nombreuses erreurs adverses pour faire l’écart au pied. Le match s’est joué là : l’Angleterre a des buteurs prêts à punir entre les poteaux, pas les Fidjis. Lomani a abandonné six points faciles au pied en première période, quand Farrell ne s’est pas fait prier pour convertir les siens. 21-10 en faveur des Anglais à la mi-temps.

Même dynamique au retour des vestiaires, sans que le score ne bouge vraiment. A 24-10 avec vingt minutes encore à jouer, les spectateurs pensent le match clos. D’autant que les Anglais résistent parfaitement aux assauts fidjiens, qui manquent alors cruellement d’inspiration. C’était sans compter la ténacité des noir et orange, qui finissent pas percer le bloc anglais coup sur coup, en cinq minutes via Botitu et Ravai. 24-24, un quart d’heure à jouer. Folie. Vite retombée, après un drop chirurgical de Farrell, éternel sauveur de la patrie, élu homme du match. Borthwick avait raison. Roublards, à l’expérience pour faire égrener les minutes, les champions du monde 2003 finissent l’affaire au pied. Non sans trembler sur une dernière phase interminable des Fidjiens. Ils se donnent le droit d’affronter le champion sortant sud-africain, qui a battu (29-28) l’ennemi français en quart.

Mise à jour, le 15 octobre à 23h30 : précision du vainqueur entre la France et l’Afrique du Sud.