Autant les phases de poules ne resteront pas marquées du sceau du suspense, autant le narratif de ces quarts de finale promettait d’être autrement plus indécis. Ce qui fut clairement le cas du premier d’entre eux : une bataille de tous les instants sur le pré marseillais entre Gallois et Argentins affamés.
Un combat physique d’une grosse intensité, qui aura même eu la peau de l’arbitre du match, le Sud-Africain Jaco Peyper, contraint de sortir touché au mollet au bout d’un quart d’heure de jeu. Combat tactique, aussi, où la moindre faille aura été exploitée. Tout du long, ce Pays de Galles-Argentine a charrié son lot d’incertitudes, avec plusieurs changements de leader, du jeu, de l’imprévisible. Pouvait-il en être autrement, entre deux sélections qui ont traversé 2023 en dents de scie, déjà contentes d’être là et qui n’avaient, dès lors, absolument rien à perdre ?
Résurrection
C’est tout euphoriques que les Argentins en sortent : les voilà parmi les quatre prétendants au sacre final. Même les parieurs les plus excentriques auraient eu du mal à miser sur la présence de ces Argentins dans le dernier carré début septembre. Ceux-là mêmes qui traversaient comme des fantômes le Rugby Championship (ex-Tri Nations) cet été, lors duquel les Pumas avaient tous les atours d’une équipe en plein doute. Ceux-là mêmes corrigés par des Anglais pourtant réduits à 14 pendant 75 minutes en phase de poules en France. Les Pumas connaissent une incroyable résurrection.
Les Gallois pouvaient pourtant voir l’avenir en grand après la première mi-temps. Un incipit peu commun, lui aussi, essentiellement marqué par des problèmes de flocage des maillots gallois : les numéros des joueurs du XV du chardon semblent ne pas résister aux combats dans les rucks et les mêlées. Contrairement aux Pumas, intraitables sur leur ligne arrière dans un premier quart d’heure dominé par les blocs défensifs. Tout est tendu, tout est verrouillé. Les sélections réagissent différemment. Les Argentins se précipitent. Le Cymru est plus patient. Les chandelles envoyées par les arrières gallois déstabilisent.
Les Gallois récitent leurs phases : on touche d’abord les couloirs, notamment l’aile droite avec Rees-Zammit, pour étirer la défense avant de travailler dans l’axe avec des redoublés autour du baromètre Dan Biggar. C’est de cette manière, après une sortie de mêlée bien négociée, que les Gallois ouvrent le bal : un renversement judicieux. Dan Biggar au début, Dan Biggar à la fin. Le demi d’ouverture, de retour après sa blessure contre l’Australie, a encore montré à quel point il était indispensable, pour son dernier match en sélection.
Atmosphère hallucinante
Timorée à l’entame, l’Argentine aurait tout de même pu se faciliter la tâche si elle n’avait pas la fâcheuse tendance à multiplier les fioritures lors des phases avec ballon. Notamment dans les 22 mètres, où les libertés dans le jeu se réduisent, où certaines passes argentines n’arrivaient plus dans les mains, où la gonfle avait parfois des airs de patate chaude. En face, les nerfs ne sont pas moins éprouvés. Un plaquage sans ballon de Josh Adams peu avant la pause aurait d’ailleurs pu valoir à l’ailier de Swansea un bon carton jaune. Son coup de sang est à l’origine d’une belle échauffourée.
Il est même, peut-être, le point de départ du sursaut des Pumas, revenus complètement transcendés après la pause, poussés par des fans en bleu ciel et blanc qui ne l’étaient pas moins, dans une atmosphère hallucinante. Et, pendant un instant, lorsque les Argentins ont repris les commandes sur une pénalité de 55 mètres convertie par Emiliano Boffelli (12-10), on eut juré que Marseille se situait en Amérique du Sud. Avant qu’un franchissement de l’entrant Tomos Williams ne rafraîchisse une partie du Vélodrome.
Pas de quoi réfréner la grinta argentine. Les Pumas ont l’habitude de finir fort : 40 % de leurs points ont été inscrits dans le dernier quart d’heure. Surtout, l’Argentine a compris qu’il fallait procéder autrement. On s’appuie bien plus sur le paquet d’avants. Les fautes galloises s’accumulent. Les petites comme les grosses : un choc tête contre tête aurait là encore pu valoir un carton jaune côté gallois. Des picks and go en série, un travail de sape près des 5 mètres, conclu par le pilier Joel Sclavi. Avant qu’une interception providentielle de l’immortel Nicolas Sanchez envoie les Argentins en demi-finale. Les Pumas affronteront le 20 octobre la Nouvelle-Zélande, victorieuse (28-24) de l’Irlande en quart.
Mis à jour samedi à 23 heures : ajout de la qualification de la Nouvelle-Zélande.