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Rugby

Finale du Top 14 : Toulouse et sa «machine infernale» corrigent Bordeaux

Vainqueur écrasant de Bordeaux, 59-3, le club rouge et noir remporte son 23e titre de champion de France au terme d’une finale à sens unique.
Antoine Dupont et le Bouclier de Brennus gagné par le Stade Toulousain au Stade-Vélodrome le 28 juin. (Nicolas Tucat/AFP)
publié le 29 juin 2024 à 8h13

Au soir de la deuxième demi-finale du Top 14, samedi 22 juin au Matmut Atlantique de Bordeaux, quelque chose laissait penser qu’implicitement les dés étaient déjà jetés entre un club, le Stade Toulousain, qui s’apprêtait à disputer la 30e finale d’une histoire prestigieuse traversant les décennies, et un autre, l’Union Bègles Bordeaux, qualifié à l’arraché face au Stade Français, qui, lui, après avoir trébuché trois fois sur la pénultième marche de la saison, se réjouissait juste de parvenir enfin au bout de l’exercice. Car n’y avait-il pas comme une forme de capitulation, naturellement inconsciente, dans la bouche du capitaine et demi de mêlée de l’UBB, Maxime Lucu, affirmant au coup de sifflet final : «Rien que passer ce cap, c’est déjà très bien» ? Sous entendu (alors inavouable), ne nous demandez pas l’impossible.

De fait, moins d’une semaine plus tard, c’était bien l’ogre et le «petit Poucet» (terme assumé par le pourtant pas vraiment gringalet pilier girondin, Jefferson Poirot) qui se présentaient sur le gazon du Stade Vélodrome de Marseille. Une saga étalée sur plus d’un siècle et marquée par vingt-deux sacres nationaux (plus six européens, un record, sur tous les tableaux) d’un côté, une petite vingtaine d’années d’existence (même si les fondations sont bien plus anciennes) et zéro titre de l’autre. Et, pour s’en tenir au chapitre 2023-24, plus de dix longs mois d’un exercice dominé de manière écrasante par Toulouse, resté dans le wagon de tête durant toute la saison régulière du Top 14, malgré l’iniquité induite par la Coupe du monde, qui l’a longtemps privé de tous ses meilleurs éléments qui forment l’ossature du XV de France – une équipe 2, voire 3, comme celle partie gagner à Montpellier, attestant une suprématie sans ambages. C’est simple, à une mi-temps près, la première, en demi-finale contre La Rochelle, le groupe coaché par Ugo Mola n’a jamais tremblé. Et même moins que jamais, lors de la finale la plus déséquilibrée de l’histoire !

Leçon de rugby

Car, côté aquitain, on voulait se persuader qu’avec une victoire partout en championnat, la belle n’était pas fatalement pliée d’avance. Et qu’avec les ressuscités de dernière minute, Matthieu Jalibert et Ben Tameifuna, il devait bien exister un moyen, fut-il vaudou, pour gripper l’infernale machine à gagner rouge et noir (neuf finales de suite, France et Europe confondues, empochées depuis 2008). Calembredaine, oui.

Il restait encore trois heures officielles de campagne au coup d’envoi, mais le président Macron avait préféré s’épargner l’humiliation des quolibets en se faisant porter (très ?) pâle à Marseille. Les Bordelais, eux, en revanche n’eurent pas le choix : conviés au banquet pour n’en grignoter que les miettes, le trop bien nommé Penaud et consorts devaient bien se rendre à l’évidence, une poignée de minutes seulement après le coup d’envoi, d’une supériorité toulousaine écrasante et même au-delà. A l’exemple des deux essais inscrits rapidement par l’extraterrestre Antoine Dupont, qui entraînait tous les Willis, Ramos, Roumat, etc., dans son sillage étincelant. 59-3 (malgré plus de dix points gâchés au pied par les champions). Une leçon de rugby qui anesthésiait l’émotion pour laisser parfois sans voix un public vite repu d’un côté, abasourdi de l’autre.

«Vers l’infini et au-delà»

«Can’t Stop» : c’est sur le riff des Red Hot Chili Peppers qu’ont démarré les deux mi-temps et, un total de neuf essais plus tard, le fait est d’admettre que le Stade Toulousain, était juste inarrêtable dans tous les secteurs, meilleure équipe de France et certainement de la planète, que trop souvent l’adversaire semblait regarder jouer, malgré quelques efforts offensifs aussi sporadiques que vains en deuxième mi-temps. «Un rouleau compresseur», une «Formule 1», une «machine infernale», une «locomotive», Yannick Bru, le coach de Bordeaux, n’a pas été avare d’images pour autopsier le «camouflet», en présentant même des «excuses» aux supporteurs.

Sacré pour la 23e fois, avec un nouveau doublé (son troisième) si l’on ajoute le titre continental face au Leinster, Toulouse jubile. «Le groupe, le club, l’équipe travaillent en profondeur pour que de jeunes mecs puissent s’épanouir dans ce sport incroyable. Ils (ses joueurs, ndlr) ne m’ont jamais déçu sur ce qu’ils s’étaient engagés à faire. Mais j’aime avant tout le processus, le chemin, le contenu, et si ça gagne c’est agréable. Or, là on arrive à clôturer une saison remarquable», a savouré Ugo Mola avec un plaisir légitime qui n’interdisait pas une certaine pondération dans l’analyse, quand, en arrière-plan on entendait la musique faire vibrer le vestiaire.

Juste avant, à la télé, le demi de mêlée Antoine Dupont, vantait «l’envie, l’enthousiasme et le calme» qui permettent de «gagner des matches de ce niveau», saluant «l’étendue» d’un club qui, faisait observer Mola, a totalisé pas moins de «trente-sept marqueurs différents» pendant la saison. Très certainement un record. Comme les vingt nouveaux points inscrits par Thomas Ramos, qui en font le meilleur marqueur (1792) de l’histoire de Toulouse. «Et je suis sûr que ce groupe ne va pas s’arrêter là», a prédit l’arrière international, suggérant ainsi une variation de la devise de Buzz l’éclair, «Vers l’infini et au-delà».