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Rugby

Finale du Top 14 : Toulouse se rêve hégémonique, Bordeaux en outsider magnifique

Après une saison qui a de nouveau battu des records de fréquentation, les deux équipes se retrouvent ce vendredi 28 juin au soir à Marseille en finale du championnat de rugby.
Demi-finale du Top 14 entre le Stade français Paris et l'UBB à Bordeaux, le 22 juin. (Romain Perrocheau /AFP)
publié le 28 juin 2024 à 7h05

Une statistique en forme de leurre : ces dix dernières années, pas moins de sept clubs différents ont été sacrés champions de France du Top 14. De là à imaginer qu’aucune hiérarchie clairement établie ne se dessine au sommet du rugby français, il n’y a qu’un pas… qu’on se gardera pourtant bien de franchir, sous peine de risquer de tomber au fond du ravin, tant l’hégémonie du Stade toulousain aura rarement paru aussi flagrante.

Le constat qui confinerait même au truisme si d’aventure le groupe dirigé par Ugo Mola venait ce vendredi 28 juin (coup d’envoi à 21h05, en direct Canal + et France 2) à soulever le bouclier de Brennus. Ce qui ne serait jamais que le 23e titre national de l’histoire du club rouge et noir et lui permettrait même de signer un nouveau doublé, Top 14-Champions Cup (ex-Coupe d’Europe, aujourd’hui étendue aux rivages austraux de l’Afrique) – une prouesse déjà réalisée en 1996 et 2021. Mais pour cela, il reste cependant un match à disputer et il serait malséant de prendre de haut un adversaire, l’Union Bordeaux Bègles, qui a vécu dans l’allégresse les derniers jours précédant le rendez-vous, depuis sa victoire heureuse à la maison, samedi 22 juin, en demi-finale, contre le Stade Français.

Records de fréquentation battus

Car, après trois échecs à ce stade de l’épreuve, l’UBB n’en peut plus de passer pour le dindon de la farce (comme autrefois Clermont, qui perdait toutes ses finales). Alors, à force de dire que le club montait en gamme (cf. le recrutement automnal de l’ailier tricolore Damian Penaud ou de l’international japonais Tevita Tatafu), il fallait bien que cela se vérifie également sur le terrain. De sorte que, dix-huit ans seulement après sa naissance, l’UBB parvient aujourd’hui à ses fins (ou presque), sans oublier que le rejeton est issu du mariage des illustres Stade bordelais et CA Bordeaux Bègles Gironde qui, en remontant plus d’un siècle en arrière (1899 précisément !), totalisent, à eux deux, neuf titres nationaux.

Tout cela pour expliquer que, dans la préfecture de la Nouvelle-Aquitaine, le rugby est d’autant moins une anomalie, que l’UBB peut légitimement brandir (pour la dixième année consécutive) la plus forte affluence de la saison, avec, dans un Top 14 fringant qui continue de battre des records de fréquentation (2 775 951 entrées sur la dernière saison régulière, en hausse de 3 % par rapport à la précédente), une moyenne frôlant les 28 000 spectateurs par match, au stade Chaban-Delmas. Tandis que le Stade toulousain, lui, doit se satisfaire de la deuxième place avec un peu plus de 20 000 aficionados à Ernest-Wallon.

Sérénité au seuil de la plénitude

Un podium des tribunes, certes appréciable pour les respectivement septième et premier budgets du rugby hexagonal, mais qui ne pèsera pas lourd face à la réalité du terrain où, comme on le signalait en préambule, le Stade toulousain n’a quasiment jamais cessé de tourner à plein régime cette année. Y compris quand la concurrence internationale (Coupe du monde, puis Tournoi des six nations) l’obligeait à rétrocéder tous ses meilleurs éléments au XV de France. Car avec un banc pléthorique, qui a répondu présent en attendant le retour au plus haut niveau des stars françaises (l’impérial Antoine Dupont en tête) une fois digérée la traumatisante élimination face à l’Afrique du Sud lors de la dernière Coupe du monde, et l’apport de pointures étrangères encore bonifiées sur les bords de la Garonne (de l’ailier argentin Juan Cruz Mallía au troisième ligne anglais Jack Willis, pareillement rayonnants), il émane du Stade toulousain 2023-2024 une sérénité au seuil de la plénitude, validée par la première place de la phase de championnat, comme par cette victoire après prolongation – toujours bon pour le capital confiance –, fin mai à Londres, face à la province irlandaise du Leinster en finale de la Champions Cup (soit dit en passant moins ardue que le Top 14, avec sa formule «expéditive», limitée à sept matchs avant l’épilogue).

Une success story qui nous amène donc au Stade-Vélodrome de Marseille, à l’heure de la seconde finale du Top 14 en dehors de l’Ile-de-France (après celle de 2016, au Camp Nou de Barcelone), où Bordeaux, qui enregistre les retours de l’ouvreur Matthieu Jalibert et du pilier droit tongien Ben Tameifuna, disposera cependant d’encore quatre-vingts minutes minimum pour rêver. Quitte à suggérer aux outsiders – troisièmes de la phase de championnat – un crochet préalable par Notre-Dame de la Garde. Qu’il est permis, en ce début d’été volcanique, de ne pas invoquer que pour le rugby, d’ailleurs : «Dans les moments de joie, sois à nos côtés pour partager l’allégresse. Dans les heures sombres, sois notre phare, dissipant les ténèbres de l’incertitude et de la peur.»