A quelques heures de l’ouverture de la Coupe du monde de rugby, Libération fait le point sur les joueurs à suivre dans les nations majeures et chez celles qui pourraient créer la surprise.
Canan Moodie, le surdoué
Ailier de l’Afrique du Sud
Les observateurs avertis en font déjà un acteur clé, de la trempe de ceux qui changent l’équilibre d’une rencontre. A l’image du nouvel entraîneur de l’équipe d’Edimbourg, le Sud-Africain Sean Everitt. «L’Ecosse peut faire douter l’Afrique du Sud lors de ce premier match, mais Canan Moodie peut faire la différence», a-t-il déclaré à la presse nationale. Et tout cela à seulement 20 ans. «C’est un rêve qui se réalise. En 2019, j’étais encore à l’école lorsque les garçons brandissaient la Coupe Webb Ellis [le trophée de la Coupe du monde, ndlr], expliquait le joueur en conférence de presse. Aujourd’hui, j’ai la chance de porter le maillot frappé de l’emblème du vainqueur de 2019. C’est vraiment très spécial et je suis privilégié d’être ici.» Ailier polyvalent, Moodie a récemment impressionné au centre contre des All Blacks, certes dépassés sur cette rencontre. Sa malice – Rieko Ioane se souviendra de ce ballon piqué au pied à même ses bras – et ses crochets dévastateurs ont largement participé à une victoire solide des Springboks en match de préparation le 25 août, qui font office de favoris de cette Coupe du monde. En tout cas, Moodie y croit : «Nous nous sommes entraînés toute l’année pour ce moment et je pense que nous sommes prêts pour cet évènement.»
Hugo Keenan, la référence 15
Arrière de l’Irlande
A l’inverse du prodige Moodie, l’arrière du Leinster, abonné aux phases finales de la Champions Cup, a pris son temps pour s’imposer comme l’une des références mondiales au poste d’arrière. C’est au rugby à VII qu’Hugo Keenan a d’abord fait ses classes avant d’être enfin considéré par le XV. Plus physique, la catégorie principale du rugby le voyait jusqu’ici un peu léger pour assumer. Une bêtise. Mobile, habitué à la répétition des efforts à haute intensité, impeccable en l’air et doté d’une impressionnante longueur au pied, Keenan porte le bagage du numéro 15 modèle. D’ailleurs, c’est peut-être son homologue français Thomas Ramos qui en parle le mieux. «C’est un joueur qui se déplace et court beaucoup. Offensivement, il offre de grosses garanties à son équipe, assure le Toulousain. C’est aussi quelqu’un qui ne se défile pas devant les tâches défensives. Il n’est pas l’arrière de l’équipe d’Irlande pour rien.» Nommé pour le prix du meilleur joueur du dernier Tournoi des six nations, mais battu par Antoine Dupont, Hugo Keenan fait partie de ceux pouvant prétendre au titre de meilleur joueur du World Rugby. Il succéderait alors à son coéquipier Josh Van der Flier.
Programme
Emiliano Boffelli, le Puma botté
Arrière, ailier et centre de l’Argentine
Les supporteurs français en gardent un bon souvenir. Première journée de la Coupe du monde 2019, 80e minute, à 35 mètres légèrement à gauche, Emiliano Boffelli se troue et rate la pénalité qui aurait dû faire passer les Argentins devant les Bleus à la dernière minute. Résultat : 23 à 21. Depuis, l’arrière s’est imposé comme une valeur sûre Outre-Manche, dans l’équipe d’Edimbourg Rugby, après un passage très discret au Racing 92. Polyvalent, il peut évoluer à l’aile, à l’arrière ou au centre. Boffelli impressionne en Ecosse, où il est l’auteur de 281 points en 31 rencontres. En sélection, il a vite fait oublier le raté contre l’équipe de France et est l’artisan principal d’une victoire qui tient de l’exploit contre l’Angleterre en novembre (25 points sur 30). Dans une poule a priori abordable – avec l’Angleterre, le Japon, Samoa et le Chili –, l’Argentine apparaît comme un outsider pas déconnant. Le niveau de son buteur jouera immanquablement un rôle majeur dans le parcours des Pumas.
Theo McFarland, du 5 majeur au rugby à 15
Deuxième et troisième ligne des Samoa
Probablement le profil le plus étonnant de cette Coupe du monde. Belle gueule, Theo McFarland, 27 ans, s’est imposé comme troisième ligne aux Saracens ainsi que dans la sélection samoane, probablement la plus forte de leur histoire. Mais le rugby n’est pas le premier amour du jeune homme, a priori peu intéressé par le sport. Sa grande taille l’a d’abord amené à tester le basketball… et à devenir international. «J’ai joué au basket pour les Samoa, mais il n’y avait pas vraiment de carrière possible. J’ai donc essayé le rugby.» Une bonne idée. «C’est le légendaire centre samoane Brian Lima qui m’a initié au rugby à XV, explique-t-il sur le site officiel des Saracens. Il m’a ensuite fait participer au programme de rugby à VII. J’avais la possibilité de participer aux Jeux olympiques, mais j’ai décidé de faire carrière dans le rugby à XV.» Après un échec à Dallas, aux Etats-Unis, il est repéré par le club anglais. Gravement blessé au genou fin 2022, McFarland revient tout juste pour cette Coupe du monde, «un rêve», avec l’envie de créer la surprise dans la poule D.
Beka Saghinadze, le lutteur
Troisième ligne de la Géorgie
Sa carrière aurait pu être toute autre. Si Beka Saghinadze fait aujourd’hui le bonheur du Lyon Olympique Universitaire Rugby et de la sélection géorgienne, c’est dans la lutte qu’il s’est lancé. «Mais la lutte, dit-il, c’est bien avec les amis. Je préférais me retrouver sur le terrain en groupe que face à eux.» Le terrain, c’est le rugby. Un choix plutôt pertinent pour un beau bébé : 1,92 m et 108 kg. D’abord chez lui puis en France en Pro D2, Saghinadze a rapidement su se mettre au niveau physique et tactique du Top 14. «Je me suis toujours dit que j’en étais capable. Si je suis venu ici, c’était pour jouer contre des équipes comme Toulouse. Le Top 14 était un rêve et un objectif mais maintenant que je suis là, je ne veux pas m’arrêter en si bon chemin.» Une expérience précieuse pour sa sélection. Avec son compatriote Davit Niniashvili, également à Lyon, il forme un duo forcément locomotive pour la Géorgie, dont la moitié de l’effectif évolue en France. La sélection devra faire avec le pays de Galles et l’Australie dans la poule C. Si les Géorgiens ont battu les Gallois en novembre, leur sélectionneur Levan Maisashvili regrette de ne pas avoir pu plus se tester contre des équipes de top niveau avant la compétition.