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Analyse

Top 14: Montpellier, nouvelle capitale de l’ovalie

Les Héraultais ont soulevé leur premier bouclier de Brennus après avoir terrassé (29-10) le Castres olympique, vendredi soir au Stade de France.
Des joueurs de Montpellier brandissent le bouclier de Brennus après leur victoire en finale du Top 14 de rugby au Stade de France à Paris, le 24 juin 2022. (Christophe Ena/AP)
publié le 25 juin 2022 à 8h32

On pressentait un match cadenassé, rugueux, stratégique et, en à peine plus de dix minutes de jeu, l’affaire était réglée : avec trois essais plantés comme dans du beurre, Emmanuel Macron avait à peine eu le temps de quitter la pelouse, où il venait de serrer la main des joueurs, qu’à 17-0, Montpellier posait une main si ferme sur le bouclier de Brennus que l’issue ne faisait déjà plus aucun doute. Pour la première fois de son histoire, certes jeune, le club de l’Hérault fondé en 1986 est ainsi devenu champion de France, au terme d’une finale où, à vrai dire, il ne s’est jamais fait la moindre frayeur, face à un Castres olympique (CO) dont les profanes, qui avaient eu la curiosité de regarder le match à la télé sans avoir suivi la saison de Top 14, devaient légitimement se demander ce qu’il fichait sur la pelouse du Stade de France.

Pourtant, réputée pour sa capacité à maîtriser les adversaires les plus huppés et aguerris, c’était bien l’équipe qui avait terminé la saison régulière en tête du classement – espérant là inscrire un sixième titre national à son palmarès. Mais en mode zombies. Car, hélas pour les supporters tarnais venus en nombre, le CO a eu la fâcheuse idée de proposer le plus mauvais match de sa saison avec, notamment, une première mi-temps invraisemblablement calamiteuse, vite marquée par la blessure au mollet de son animateur en chef, l’Argentin Benjamín Urdapilleta, qu’on regardait longtemps, seul, dans l’en-but, en train d’essayer de se remettre sur pied avant de se résoudre, la mort dans l’âme, à regarder ses partenaires sombrer. Quand bien même on se gardera bien d’affirmer que sa présence aurait pu changer le cours des choses, tant, même dans le rôle de la bête blessée, le capitaine Mathieu Babillot et ses troupes en déroute ne surent jamais se transcender (cf les vingt premières minutes de la deuxième mi-temps, passées dans la moitié de terrain montpelliérain, sans parvenir à inscrire le moindre point).

Ainsi, tout juste commencée, la finale de la saison 2021-2022 du Top 14 avait-elle rendu son verdict qui, au terme d’une rencontre plus occitane qu’excitante, aboutira à un cinglant 29-10. Autrement dit, un score quasiment identique au 29-13 qui, quatre ans auparavant, avait permis à Castres de mater… Montpellier, alors pourtant favori, en finale de la même épreuve.

«Pas si mauvais»

Le Montpellier Hérault Rugby (MHR), champion de France, c’est le succès du rugby des villes (à rapprocher de la montée en puissance, ces dernières saisons, de Bordeaux et de Lyon), sur celui des champs. Tout comme celui de l’argent d’un homme, l’industriel milliardaire, d’origine syrienne, Mohed Altrad, sur celui d’un groupe, les Laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre. Un personnage «atypique, beaucoup décrié, mais qui a investi non seulement son argent, mais son temps», a plaidé le manager, Philippe Saint-André… dont c’est aussi la réhabilitation, après son départ en 2015 de l’équipe de France où, en qualité de sélectionneur, il avait signé un bilan médiocre, laissant une équipe alors rongée par le doute, le moral dans les chaussettes.

«J’ai eu cinq ans pour méditer, a-t-il vaguement plaisanté. Mais j’ai trop d’humilité pour m’approprier individuellement cette victoire, qui est bien celle d’un club», a-t-il complété, tout en glissant avoir remporté «quatre finales sur cinq» auxquelles il a participé comme entraîneur. Moralité, version PSA : «On [à savoir lui et ses deux ex-adjoints en équipe de France, Yannick Bru et Patrice Lagisquet] n’est peut-être pas si mauvais que ce que vous [les journalistes] avez pu dire.»

«Affamés»

Un son de cloche faisant écho au sentiment de Guilhem Guirado, si heureux, lui le capitaine des heures sombres du XV de France, de mettre à 36 ans un terme à sa carrière sur un sacre, au Stade de France, après deux finales perdues avec son précédent club, Toulon : «Certains soi-disant spécialistes ne croyaient pas en nous et nous ont mal regardés, mais on connaissait notre force. Les leaders ont pris les choses en main et le staff a fait du très bon boulot sur les trois semaines qui ont précédé la finale», a détaillé le talonneur (sorti en première mi-temps, suite à un protocole commotion), «pas revanchard»… mais bon quand même un peu, à l’image d’un effectif naguère présenté comme une bande cosmopolite de mercenaires, mais qui, la victoire aidant, assure avoir gagné un supplément d’âme.

«Quelle solidarité, quelle volonté !» s’est ainsi pâmé Saint-André : «Il faut se souvenir qu’il y a dix-huit mois, nous étions encore avant-derniers du classement. Aussi, la détermination individuelle et collective ne faisait-elle aucun doute et je savais que, ce soir [vendredi], c’était bien nous qui allions être les plus affamés.» Ce que la physionomie de la rencontre ne tarda pas à démontrer.